La Longue Marche de RÅTTEN

Chronique écrite par François KÄRLEK

Déjà un 2ème album pour RÅTTEN, originaire du Sud- Est de la France, qui nous livre « La Longue Marche» qui fait suite à « Roi De Rats »

Ah la joie des étiquettes pour donner une idée : Black / Crust / Sludge ?

Personnellement j’aime bien réviser les fondamentaux et revenir aux définitions donc on y va pour le Crust : littéralement Crust Punk, variante extrême (chant saturé, batterie rapide) du Punk, le Sludge : Metal lent, pessimiste, « boueux » venu des US, et le Black Metal caractérisé par son atmosphères sombre et a connu son heure de gloire en Scandinavie dans les 90’s.

Illustration sans titre

Concrètement cela se ressent dans la musique de Råtten par l’énergie donnée par la batterie de Sid, alternant blast, passages lancinants de double grosse caisse typiques du Black Metal et rythmes épileptiques Punk sur d’autres passages. Son jeu est puissant, créatif mais aussi très dense et confère à l’album une indubitable noirceur dès « Les Cris de la Meute » en ouverture.

Le chant de Zéro et Kozlák est lui aussi très typé et assez loin des canons du black métal, se rapprochant souvent de cris déchirants ou rageurs, comme une forme de rébellion douloureuse. Il est d’ailleurs étonnant de découvrir les textes qui semblent très courts tant le chant est modulé, étiré et semble spontané, comme en roue libre sur des phrases en quasi écriture automatique sur « Les Heures Sombres ».

Le travail qui m’a le plus impressionné repose sur le jeu des cordes (guitare et basse), les effets sont nombreux et proposent des sonorités brutes mais précises, tour à tour très poisseuses (Sludge), en trémolos typé Black Metal ou presque délicates sur « Faiseuse d’Anges ».

Les ambiances sont variées mais toujours inscrites avec une extrême cohérence dans le fil conducteur donné par la rythmique et la musique proposée, appuyée par une production très organique, s’avère vraiment viscérale et parfois à la limite de la rupture physique et mentale (« La Longue Marche » est un morceau bluffant à ce titre, addictif dans les sensations).

Avouons-le, cet opus est très noir, le malaise est saisissant et palpable, renforcé par des visuels en noir et blanc et un groupe qui joue masqué pour immerger l’auditeur.  On est clairement dans la version la plus sombre de l’extrême, celle qui explore les tréfonds d’une âme peu reluisante, torturée et maladive.

En 2 albums, les 3 fondateurs de Råtten se sont déjà forgés une identité forte et ont d’autant plus de mérite qu’ils ne sont pas signés chez un gros label et défendent leur musique à la sueur de leur front en tournant au maximum sur scène. Persuadé qu’ils méritent largement le détour en live, je ne les manquerai pas s’ils viennent en région lyonnaise et recommande d’ici là à tous les amateurs de Black ouverts aux ambiances Sludge et Crust d’y jeter très vite une oreille.

Deurick Photographe

Bonjour Råtten, votre patronyme au logo épineux et griffé a-t-il un lien avec les rats ?
Bonjour Satan Bouche un Coin, désolé de te décevoir, mais Råtten vient du norvégien “pourri” ou “pourriture” toutefois, il est vrai que notre premier album “Roi-De-Rats” a entretenu la confusion. On aime beaucoup les rats ceci dit, et d’une manière générale tout ce qui se tapit dans l’ombre…et attend sagement son heure.

Votre musique est extrêmement sombre, torturée et fataliste, êtes-vous tous les 3 pessimistes sur le devenir de l’espèce humaine ?
Comment ne pas l’être quand on ouvre les yeux sur les ravages de notre espèce sur son environnement et contre elle-même ? Nous sommes une erreur imprévue, une plaisanterie de l’évolution. Remplis de morgue et de suffisance, nous nous imposons au centre de tout, au détriment de ce qui nous entoure…inadaptés, inadaptables, nous préférons transformer plutôt que d’accepter. C’est voué à l’échec, et tout dans notre époque nous l’indique de manière pressante. Pour autant nous ne sommes pas inquiets, la fin de l’humanité n’est pas une fin en soi. La planète nous survivra et aura tôt fait de gommer nos erreurs et notre risible superbe.

Quel sens donnez-vous à » La Longue marche » ? La créature de la pochette d’album était-elle humaine avant de prendre cette forme ?
Cette créature est née dans le cerveau de Davo (Carnivora Craphica) et nous ne saurons jamais comment le remercier assez pour son travail. Il aura suffi d’une discussion de groupe pour lui faire ressentir ce que nous avions en tête, l’essence de cette Longue Marche. Que sa créature fût humaine ou pas du tout, finalement peu importe. Ce qui compte c’est le chemin parcouru et cette destination que tous les êtres vivants ont en commun : un aller simple vers la mort et la déliquescence. Nous ne sommes que matières et fluides et quels que soient nos battements d’ailes aveugles, ils nous rapprochent pas à pas de cette issue. Rien de dramatique en soi, car le comprendre c’est aussi l’accepter.

Le travail sonore sur l’album est très fin et qualitatif, le son semble avoir plus de corps que sur votre premier album, comme s’il était quasiment palpable, et les effets de guitares sont très bien pensés. Comment procédez-vous en termes de production pour ce résultat ?
Merci beaucoup ! Nous avons procédé comme pour notre premier album : seuls dans notre cher Deep Cellar pour les prises de son, avec toutefois davantage de matériel et d’expérience. La batterie a été prise en session live au casque pour garder l’énergie de la scène, les cordes enregistrées séparément avec chacun nos recettes secrètes (à base principalement d’overdubs massifs sur de vieux amplis). Il nous faut aussi remercier Grégoire Galichet (Studio Wingen) pour son mixage d’une finesse unique, et Julien Rosenberger (l’Autre Oreille) pour son master vinyle impressionnant de réalisme. On doit bien avouer que l’on est très satisfaits du son de notre dernier né.

Le jeu de batterie me semble avoir des influences dépassant le Metal Extrême avec un feeling et une approche très fine pour ce style, quel est le parcours de Sid ?
C’est finement observé, Sid a une approche assez unique de son instrument qui ne se limite pas à celle du metal extrême. Il a pris le parti d’alléger la frappe brute pour préserver son audition et a développé une forme de jeu très libre et aérienne, ce qui toutefois ne le dispense pas d’atteindre des vitesses assez impressionnantes. Notre volume sonore en répétition comme sur plateau reste très raisonnable et c’est un confort pour tout le monde. Par ailleurs il a fait ses armes dans le punk, ce que tu as pu ressentir dans nos passes Crust. Il a également joué dans différentes formations allant du Brutal Hardcore au Rock indé. Finalement on a une palette plus large grâce à sa polyvalence, ce qui participe de notre identité multiple.

Deurick Photographe

Vous semblez très déterminés à défendre cet album sur les planches, avez-vous une tournée prévue dans les principales villes de France en 2024 ? Comment sera répartie la Setlist entre vos deux albums (j’adore les morceaux Roi de Rats et Vipubakka de votre 1er opus) ?
La scène est notre carburant : c’est là qu’on prend la mesure de la réception de notre musique, et c’est toujours un plaisir pour nous trois. Par contre, comme tu l’as souligné, on fait tout nous-mêmes donc il est encore délicat pour nous de te garantir de passer dans toutes les grandes villes de France. On doit assumer nos vies professionnelles et familiales, mais on ira partout où on nous permettra de jouer et il est vrai que notre réseau s’étend petit à petit, donc on compte bien en faire un maximum. On peut d’ores et déjà annoncer notre participation au Toxoplasmose (CH) le 30 mai, ainsi qu’au In Extremis mi-juillet.
Concernant notre set, il se compose actuellement de l’intégralité de “La Longue Marche” et de quelques titres de “Roi-De-Rat” qui nous permettent de nous adapter à la demande de temps de jeu. “Vipubakka” est très délicate à intégrer dans le set du fait de sa longueur, mais on prend note de ta remarque !

Dans un monde idéal, quel avenir verriez-vous pour Råtten ?
Dans un premier temps, on apprécierait énormément de faire entendre notre album le plus largement possible. On pense aussi à Arsenic Solaris, De Profundis Events, Black Pandemie Production et Negra Nit, nos partenaires et amis à qui l’on souhaite d’écouler facilement leurs copies de “La Longue Marche”. Ensuite notre objectif est d’arriver à tourner en France et en Europe, de développer notre visibilité et de se faire une petite place dans le paysage musical de l’underground français. Dans un monde idéal tout serait plus facile, on aurait des réponses systématiques à nos demandes de dates et de labels, mais tu l’as compris, on est trop pessimistes pour croire à ce monde idéal…on va donc compter sur nos compétences et nos connaissances, qui à défaut d’être exceptionnelles ont le mérite de ne dépendre que de nos efforts et de notre capacité à croire en ce que l’on fait !

Je vous laisse le mot de la fin pour nos lecteurs.
Merci d’avoir lu cette interview, en espérant que vous ayez autant apprécié de la lire que nous d’y répondre.
Au plaisir de vous faire vivre notre catharsis sur scène, n’hésitez pas à nous suivre ainsi qu’à partager notre musique si elle vous a plu.
Bien sombrement

Pour suivre Råtten : https://www.facebook.com/rattenblackmetal

Pour commander : https://rattenblackmetal.bandcamp.com/?fbclid=IwAR2rPWX7dlpIXnROf3Cv6eMYGO2B0kL-ZpA1FX_IqHa8un1ltKjsXTtSKzE

Laisser un commentaire