OBTAINED ENSLAVEMENT – SOULBLIGHT (1998)

Chronique écrite par Nicolas Ulv SCHWEITZER

Nous sommes en 1998. En France, cette année-là, on se préoccupe davantage de la coupe du monde de football et des scandales de dopage sur la Grande Boucle.

C’est la fin d’une décennie, d’un siècle et même d’un monde. Internet s’apprête à tout révolutionner.

On ne connaîtra bientôt plus de démos envoyées par La Poste, plus de CDs « samplers » dans les revues musicales spécialisées qui vont se marginaliser progressivement avec l’essor à venir du téléchargement et de Youtube.

La presse papier devra se réinventer si elle veut survivre. Les supports physiques vont se ringardiser.

Vestige de cet ancien monde, Obtained Enslavement sort donc « Soulblight » cette année-là, un an après le cultissime « Anthems To The Welkin At Dusk » d’Emperor !

Fidèle à l’esprit singulier qui hante encore la Norvège à cette période, cet album est une perle noire pour l’auditeur qui saura appréhender ce style si particulier qu’est le Black Metal.

Rappelons pour les néophytes que ce style musical extrême est né dans ce pays glacé au tout début des années 90’s sur fond de meurtres, d’incendies d’églises et de polémiques diverses.

Entrons maintenant au cœur de la bête et de l’objet qui nous intéresse…

La pochette, premier contact sombre et énigmatique avec l’œuvre, semble bien illustrer les thématiques abordées sur l’album sans être pour autant une référence absolue du genre.

Après une introduction elle aussi de bonne facture sans être inoubliable (et tirant un peu trop en longueur), les choses sérieuses débutent.

D’emblée, savourons la production parfaite pour le style, ni trop propre, ni trop sale.

On découvre rapidement les claviers irrésistibles et envoûtants de la badass Morrigan (qui a également fait les belles heures d’Aeternus, autre groupe marquant de la scène norvégienne) combinés à des guitares qui jouent régulièrement en tremolo afin de pousser la charge émotionnelle à son maximum : frissons garantis !

Si les influences de la musique classique sont évidentes, celles du metal extrême le sont tout autant !

Que dire en effet des hurlements déchirants du dénommé Pest, qui va à l’évidence très mal ?

Précisons que le monsieur officie également dans Gorgoroth, groupe de référence dont la renommée dépassera largement celle d’Obtained Enslavement !

Ajoutons à cela la batterie de Torquemada et son tempo démoniaque du début à la fin de l’album. Même durant les breaks ou les passages acoustiques (qui sont de toute beauté et qui font mouche à chaque fois !), rares sont les instants où la double-pédale s’arrête.

Comment ne pas succomber face à des morceaux comme l’imparable « Dark Night Of The Soul » avec ses délicieuses nappes de claviers, « Voice from a Starless Domain » et son riff central qui vous hérisse les poils , « The Goddess Lake » et ses passages acoustiques d’anthologie, ou encore le morceau-titre qui est peut-être le plus grand morceau de black metal jamais composé.

Obtained Enslavement, y compris durant la noire décennie où il a officié, est resté dans un relatif anonymat. Là où le black symphonique d’Emperor nous emmène vers les hauteurs, celui d’Obtained Enslavement nous plonge dans une terrible mélancolie, voire une certaine détresse.

Alors, du visuel un peu pauvre à l’intro redondante, en passant par le dernier titre que je trouve un peu plus faible que les autres, on pourra toujours rechigner et trouver des prétextes pour bouder son plaisir. Ce serait pourtant malhonnête et injuste. Car il n’y a rien de mauvais dans tout cela, juste du « très bon » qui dénote à peine dans une œuvre globale touchée par la grâce.

Le combo parvient à surpasser son précédent (et premier !) effort, le déjà excellent « Witchcraft », pour proposer les plus beaux hymnes dont ce style musical a pu accoucher. 

Il serait quand même regrettable, même pour les non-initiés, de ne pas poser une oreille sur cette œuvre sincère et addictive. Cela peut mettre du temps à apprivoiser, cela peut réclamer un effort d’écoute. Mais une fois que vous y entrez, c’est pour la vie. 

Comme un symbole, après un album décevant en 2000, Obtained Enslavement disparaîtra dans la foulée pour ne plus jamais revenir. 

Un an plus tard, ce sera au tour d’Emperor.

Fin d’une époque, vous disais-je en préambule…

Laisser un commentaire