Chronique de François KÄRLEK

Les nouveaux projets ont toujours un côté excitant, et un premier album présente à mes yeux pas mal de points communs avec un premier livre, en ce sens que la liberté y est totale. Aucun « fan » pour attendre la même recette et être déçu d’un éventuel changement dans le ton ou la forme et la découverte d’une personnalité totalement inconnue qui s’exprime par une première œuvre.

En ce sens Nocebo a cet énorme atout de pouvoir proposer quelque chose de totalement neuf. Sentiment renforcé par le fait que le line-up se compose de JP, qui œuvre certes depuis pas mal de temps en tant que batteur, mais dont Nocebo est le premier projet au chant et de Nico dont aucune expérience précédente n’a été identifiée de mon côté.

De fait la musique proposée est difficile à décrire, car si le terme Core est celui qui vient aux oreilles à l’écoute du chant de JP, puissant, grave et rugueux, m’évoquant Anselmo (Pantera) et Randy Blythe (Lamb of God) la musique est, pour sa part, franchement variée avec des grands écarts stylistiques entre pistes qui sonnent Thrash, Death, voire Black mélodique en ouverture et Sympho en fermeture de l’album.

Ecoutez le groove et la hargne de « Nothing Left » proche d’un Fear Factory/Biohazard sur les couplets et aux refrains m’évoquant Akiavel par sa mélodie mélancolique et comparez ce morceau avec « Through the Scattered Ashes » et son aspect très symphonique et apocalyptique. Logique me direz-vous quand l’un évoque la rage d’une séparation subie et l’autre la douleur du deuil d’un proche, mais il n’est quand même pas donné à tout compositeur de proposer un panel aussi large.

C’est un gros atout de ce premier EP, une musique variée au service des textes et des ambiances, et c’est là qu’on s’interrogera sur l’expérience de Nico, tant il semble professionnel et à très à l’aise dans ces multiples registres. Les claviers sont très bien intégrés, la batterie programmée avec brio, la basse ronronne et surtout le jeu de guitare est accrocheur et bien senti avec de nombreux passages rapides et techniques (refrains de The New Beginning), et d’autres plus aérés avec d’excellents solos (Nothing Left et Theory of God Complex, superbes).

Il est à noter que l’ensemble s’avère très cohérent avec une patte dès à présent reconnaissable sur l’approche musicale mais des morceaux à l’identité forte, grâce aussi à l’excellente idée d’inviter deux chanteurs en milieu « New Beginning » et fin d’album «Through the scattered ashes »  qui viennent ajouter de la variété à la proposition musicale: Sab Elvenia (du très hautement recommandable one-woman-band The Fundamental Wisdom Of Chaos, entre autres) et le chanteur de Gaerea, groupe Portugais de (Post) Black Metal à la notoriété grandissante.

On notera aussi de manière plus discrète un apport de cuivres par votre serviteur (un honneur pour moi) sur ce fameux dernier morceau pour renforcer son ambiance solennelle, en espérant que ce soit jugé réussi par les auditeurs qui auront plus de recul que moi.

Vous l’aurez compris, Nocebo est avant tout une proposition de passionnés, réunissant moultes influences très bien digérées et apportant un vent de fraîcheur sur des sorties parfois un peu trop calibrées et redondantes. Clairement un EP qui passe tout seul par sa variété et la richesse du contenu proposé musicalement et émotionnellement !

Bonjour Nico et JP, merci de vous prêter à l’interview.

Avant d’entrer dans les détails, pouvez-vous nous dire comment vous-vous êtes rencontrés et d’où est venue l’envie de créer Nocebo ?

JP : Salut François et merci pour cet interview ! Comme pas mal de projets à distance lors du premier confinement… des potes communs, on devait faire un truc et au bout d’un moment, ça n’avait pas forcément beaucoup bougé et comme on s’entendait bien avec Nico, on s’est tous les deux dit « Bah et si on le faisait de notre côté ? », tout simplement. Nico avait pas mal de riffs, moi, je voulais me tester au chant, on s’est dit qu’on n’avait pas grand-chose à perdre, hahaha !

Nico : Salut François et merci pour cette interview ! JP a tout dit : les joies d’internet. J’avais des riffs, des compos de côté, JP avait envie de s’essayer au chant donc c’est tout naturellement qu’on a testé… et quand on a vu que ça fonctionnait, on s’est donc lancés petit à petit et voilà où on en est aujourd’hui !

Nico, ta musique m’évoque de multiples univers, allant de Dark Funeral à Pantera. Quelle est ta formation musicale et d’où te vient ton expérience pour composer ?

Nico: Ma réponse va peut-être te paraître étonnante mais je n’écoute pas Dark Funeral et ma période Pantera est très loin derrière moi !
Je n’ai aucune formation que ce soit musicale ou même de production, tout est en mode autodidacte. Je joue au feeling, je garde les idées qui sonnent bien, j’essaie de les développer et si je n’y arrive pas, je les garde de côté pour y revenir plus tard. J’essaie souvent de sortir des cases que je m’impose inconsciemment, en tentant des choses… et c’est pour ça qu’on se retrouve avec des morceaux avec du piano ou d’autres orchestrations.
J’ai beaucoup d’influences dans plusieurs styles de musique, que ce soit Metal ou non, ce qui explique que sur cet album, aucun titre ne se ressemble.
Avant Nocebo, je n’ai jamais eu vraiment de projets sérieux. Ça fait des années que je joue devant mon PC, j’en ai encore beaucoup d’idées en attente !

JP : J’avoue que je m’estime très chanceux de pouvoir bosser avec un mec comme toi et je trouve ça toujours aussi hallucinant que ce soit ton premier enregistrement officiel.

La batterie, même si elle est parfaitement composée, donne un aspect assez clinique et quasi industriel par moments à l’EP, est-ce volontaire ou envisageriez-vous un batteur avec un jeu plus organique dans l’avenir ?

Nico : C’est totalement involontaire ! C’est juste que, vu que je ne suis pas batteur et que je n’ai donc pas le feeling lié à la pratique de cet instrument, j’ai fait ce que j’ai pu avec les moyens du bord. Donc je n’irais pas dire que c’est volontaire, mais que ça se rapproche de ce que j’aimerais entendre !
Par contre, pour « Through Your Scattered Ashes », on a fait appel à Fred, un ami à moi de longue date avec lequel j’ai débuté la musique, qui a composé et enregistré la batterie en passant par une batterie électronique et Superior Drummer… là aussi avec les moyens du bord !
Du coup, comme c’est un très bon ami et un très bon batteur, c’est tout naturellement que je lui ai proposé, avec l’acceptation de JP bien sûr, de rejoindre la formation. Par conséquent les prochains morceaux seront joués par un vrai batteur. Fini les clics pendant des heures pour programmer une piste batterie, ouf !

JP : Nico m’avait demandé si je voulais faire les batteries de « Sic Semper Tyrannis » mais clairement, elles étaient déjà très bien programmées. Parfois, je lui donnais des indications de batteur comme « Tiens, divise le tempo sur telle partie, pour qu’on gagne en dynamique » ou j’ai fait ajouter des plans de double, notamment sur le couplet de « Theory of God complex », car je trouvais ça hyper efficace et pis vu que je n’avais pas la pression de devoir les rejouer en live, on s’est lâchés sur certains tempos haha !

JP, on t’a connu en tant que batteur mais le chant semble être devenu une véritable passion pour toi, avec ton propre grain de voix déjà bien reconnaissable. As-tu eu une révélation qui t’a poussé à explorer le chant ?

JP : Déjà, merci beaucoup ! Ça me fait très plaisir quand on me dit ça, surtout que je suis conscient que j’ai bien bien cassé les pieds de mes contacts sur les réseaux avec mes vidéos haha ! En fait, j’ai toujours aimé chanter/gueuler et lorsqu’on avait pris la décision de faire des backing vocals sur le deuxième album de mon précédent groupe, Evolution Zero, en 2020, j’avoue que je m’étais pris au jeu et que l’idée faisait déjà son petit bonhomme de chemin. Après mon départ au bout de 11 ans avec ce groupe, j’avais envie de proposer quelque chose où on ne m’attendait pas forcément.
Pour mon timbre de voix, étant un gros fan de Peter Dolving (ex The Haunted, ex Mary Beats Jane) ou de Julien Truchan de Benighted, j’ai testé, expérimenté, et surtout beaucoup taffé. Je ne remercierai jamais assez les bons conseils et les encouragements bienveillants de mes contacts qui assurent au chant.

Au regard des textes, qui semblent en majeure partie très personnels, considères-tu l’exercice comme cathartique ?

JP : Complétement !! J’ai vraiment veillé à ce qu’on raconte une histoire, avec un début, un milieu et une fin, et étant un gros fan des paroles écrites par des mecs comme Steve Harris ou Dani Filth, c’est vraiment un point sur lequel je voulais me tester. Même si Nico m’a fait une absolue confiance, je lui envoyais toujours mes textes ou les thèmes pour avoir son avis. D’ailleurs, pour « The New Beginning », le plus gros du texte est de Nico. On a juste arrangé un peu tous les 2 pour que l’histoire se déroule sans soucis.
J’avais fait il y a quelques temps une vidéo où j’expliquais un peu le thème des morceaux et j’ai été étonnamment surpris du retour des gens qui me disaient « C’est cool comme initiative, ça ne se fait plus ! Ça donne envie de se pencher sur les textes ! ». Ce qui est cool et très « stressant » aussi car ça veut dire qu’on ne pourra pas s’autoriser des textes écrit à la zob. Mon prochain défi est de réussir à écrire un texte en français mais là-dessus, je sais d’avance qu’il va falloir batailler avec Nico haha !

Comment vous est venue l’idée des invités et a-t-il été facile de faire participer Gaerea ?

JP : On se soufflait des noms et puis justement, lorsque Nico m’a apporté le titre « The New Beginning », j’ai très vite eu l’idée de contacter Sab, qui est une très bonne amie, et m’a paru une évidence pour incarner cette Divinité vengeresse. A l’origine, sur le titre « Through your scattered ashes », j’avais demandé à Auré d’Akiavel mais 2023 allait être une année remplie pour eux, donc ça n’a pas pu se faire… Etant un gros fan de Gaerea, lorsque j’en ai parlé avec Nico, on s’est tous les deux dit qu’on ne perdait rien de tenter le coup. J’ai donc contacté le groupe tout simplement, au culot, via sa page Instagram, et j’ai eu une réponse le lendemain… Simple et Funky haha ! Et pis pour la Fanfare Kärlek, l’opportunité d’avoir pu vous interviewer à l’époque avec Soil Chronicles m’avait donné l’envie de te faire participer en ajoutant ta patte sur la partie d’intro et d’outro orchestrale 😉

Nico : Personnellement, je n’avais, à la base, pas pensé à avoir d’invités. La plupart des morceaux avaient même été composés « comme ça » sans avoir l’intention de mettre du chant dessus (avant d’avoir connu JP). Quand JP a proposé le featuring avec Sab j’étais un peu ronchon au début. Mais quand j’ai entendu le résultat, j’ai fermé ma bouche. Premier test, directement validé. Elle est forte! Haha !
Pour Gaerea, JP avait vraiment envie de tester. Moi, je n’y croyais pas, je pensais que ça allait rester sans réponse… Bah encore une fois, j’ai fermé ma bouche quand JP m’a dit qu’il acceptait !
Et pour les cuivres de Karlek… en bon Gaulois, j’étais aussi réfractaire… mais quand j’ai reçu les pistes, après un tri dans toutes les idées reçues… bah j’ai à nouveau fermé ma bouche ! (JP, ne prends pas trop le pli… Haha !) et il est vrai que ça apporte une dynamique et ce quelque chose en plus ! Surtout que c’était ta première expérience dans ce domaine et le résultat était quand même là avec une multitude de choix et une qualité pas mal pour quelqu’un qui s’enregistre…  » avec les moyens du bord « .

Etes-vous satisfaits de l’accueil rencontré par « Sic Semper Tyrannis » et quel sont les prochaines étapes pour Nocebo ?

JP : A l’heure où on te répond, l’album n’est pas encore sorti officiellement mais j’espère que les gens l’apprécieront hahaha ! Cela dit, les retours qu’on a pu avoir de la part de personnes comme SAS de l’Argilière, des potes de Scarlean ou Akiavel ou même de certains médias triés sur le volet et connus pour leur côté cash, pote ou non, nous ont vite rassurés sur le fait qu’on tenait un projet sérieux. Et puis que dire quand tu as le gratteux de Gaerea qui te dit en face : « Mec, votre chanson, elle est excellente ! Bravo ! ».

Nico: L’album n’étant pas encore sorti, nous n’avons pas encore eu de retours « officiels » mais les retours qu’on a des gens autour de nous et de la part de chroniqueurs me donnent clairement plus confiance en moi et en mon travail.
Ce projet est mon premier vrai projet qui aboutit sur un EP. Et les retours, pour le moment, sont très encourageants ! J’ai hâte pour la suite !

JP : J’ajouterai que c’est la première fois que j’enregistre des parties dont je suis fier à chaque seconde, d’autant + que le chant n’est pas mon 1er instrument et que je suis totalement autodidacte.

Merci encore à vous, je vous laisse le mot de la fin à tous nos lecteurs.

JP : je vais profiter de ces lignes pour remercier Nico, pour avoir accepté de faire ce projet avec moi. Et un merci aussi à toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à la conception de « Sic Semper Tyrannis » : Vorace pour son visuel, Math du TSR Studio pour le mix et mastering, Jay et Fred pour leur coup de main en enregistrant les basses et la batterie, et toutes les personnes qui m’ont clairement motivé en me disant « Fonce !!! ».
Et je n’oublie pas non plus de remercier toutes les personnes qui se foutaient de ma gueule, gentiment mais quand même, lorsque je commençais à poster mes vidéos où je taffais… ça m’a bien motivé à bosser pour vous prouver que j’avais raison hahaha !

Nico: Tout d’abord, merci à JP sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui, qui me force à sortir de ma zone de confort, qui croit en moi et qui me donne envie de pousser le projet NOCEBO le plus loin et longtemps possible.
Merci à Vorace pour le visuel qui déchire !
Merci à Mathieu du TSR Studio qu’on rend fou pour le mix et mastering haha !
Merci à Guilherme, merci à Sab, merci à Fred, merci à Jay !
Merci à toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à cet EP.
Merci aux personnes qui croient en ce qu’on fait.
Et merci à toi François pour l’interview et ton aide pour « Through Your Scattered Ashes » !

JP : Et n’oubliez pas de soutenir de notre scène ! D’année en année, on a vraiment des groupes de très grande qualité ! Soutenez les Fests qui se cassent VRAIMENT le cul à faire des choses avec le cœur (sauf un mais je resterai suffisamment évasif sur lequel haha) ! Soutenez les orgas qui montent des plateaux pour faire passer de bons moments aux gens ! Soutenez les médias Metal qui font ce qu’ils peuvent pour toujours essayer de faire découvrir de nouveaux groupes et couvrir un max d’évènement ! Prenez soin de vous et comme l’a dit mon compagnon de misère plus haut, merci encore François 😉

Ici le titre Our sins become your strenghts en écoute

Et pour suivre Nobebo : https://www.facebook.com/Nocebomusic