Captive Tome 1 & 2 de Sarah Rivens

Chronique livre écrite par Mylou Nordes Ulv

Les loups, aujourd’hui, je m’adonne au petit exercice de la chronique littéraire pour vous parler d’un genre très en vogue ces derniers temps dans à peu près toutes les maisons d’éditions, et qui, en tant que femme moderne, m’interroge sur le contenu que je qualifierais d’un tout petit peu discutable. Je m’en viens donc aborder avec vous le sujet de la Dark Romance.

Avant de rentrer dans le vif de la saga très plébiscitée CAPTIVE de SARAH RIVENS, je pense qu’il est intéressant d’en expliquer le concept. La Dark Romance ou Romance noire, garde bien les codes de la romance contemporaine « Young adult » avec une histoire d’amour au centre de l’intrigue. Sauf que celle-ci prend toujours place dans un univers ultra violent (cartel de drogue, gangs, réseaux de revente d’armes etc…) avec un héros de papier tout aussi violent au départ envers sa future dulcinée. Très violent. Le livre commence d’ailleurs par un TRIGGER WARNINGS plus qu’explicite : mention de viol, violences physiques et langage violent. Il est dit que CAPTIVE n’entre pas dans les codes de la romance classique. Romance y rime avec violence et certaines scènes pourraient surprendre le lecteur non averti. Ça commence bien… Mais ! Parce qu’il y a forcément un mais sinon il n’y aurait pas lieu de parler de romance puisque le genre de la romance doit toujours avoir une happy end ! Sinon, ça s’appelle un drame. Comme Roméo et Juliette. Bref. Ce héros-là, dans la dark romance, va toujours, je dis bien toujours, se transformer et muter au contact innocent et angélique de l’héroïne. Vous voyez un peu le truc ? J’y viens.

C’est ce que j’appelle personnellement le grand retour des figures archétypales incomprises du sacré dans la littérature moderne, qui se mettent encore en scène par une polarité masculine évidemment mal inspectée, fermée, violente, dure, active et toxique, un peu à l’image du monde actuel, patriarcal et moche et tout, et tout, blablabla. Cette polarité masculine incarnée par l’homme (cela va sans dire, ici) reste plongée dans les ténèbres jusqu’à ce que le beau féminin si pur, maître de l’intériorité, le fasse amorcer son « repentir ». Le héros va traverser, par la révélation de ses sentiments pour l’être angélique en face de lui, les grandes eaux féminines de l’inconscient pour toucher le paradis tel le baptême du crâne qui le ferait passer du trépas à la vie éternelle dans une fusion yin-yang virevoltante et apaisante.

Voilà. Je pourrais arrêter là le résumé. On aurait presque fait le tour des deux tomes en un trait de crayon. Mais non. Je préfère finir mon analyse philosophique qui n’engage que moi, je précise. En cela, la symbolique qui se révèle à la lecture, c’est finalement l’histoire de la vie et de la psychanalyse des profondeurs. C’est l’histoire du féminin de l’Être, grande Mère révélatrice, salvatrice et consolatrice des âmes damnées, qui révèle la divinité de l’humanité (et de l’homme surtout, hein) en passant par Elle. L’histoire de la vie spirituelle pourrait être très féminine et féministe et ne pourrait se résumer que par ces deux mots si on voulait bien effectuer un travail sérieux sur les figures du féminin sacré à travers les âges ; puisque l’humanité qui a reçu le Verbe (action) est féminine (réception) par rapport au créateur. C’est peut-être un peu compliqué là, j’en conviens. Ok. Mais finalement, ce genre me plaît parce qu’il m’invite à vous partager mes réflexions sur ces livres qui m’ont fait bondir à plusieurs reprises. J’avoue donc me servir de cette saga et des codes de cette nouvelle dark romance pour le faire. On m’en voudra ou pas de soulever des questions aussi épidermiques qui piqueraient bien la tronche des grands penseurs et activistes de ce monde, mais j’attendrai avec la plus grande ouverture de cœur toutes les femmes de combat qui acceptent encore, au nom de la littérature et des happy ends, la violence gratuite et le repentir « sincère » de ces héros, sans pousser la réflexion plus avant. Bah, après tout, ce ne sont que des livres quoi, c’est vrai… Ave Maria. Amen.

Revenons à nos moutons.

Avant de lever les bras au ciel, entendons-nous bien. C’est très important le repentir, car étymologiquement parlant, il s’agit bien de « remonter la pente », pas de se flageller, ni de fouetter les hommes à travers une polarité masculine mal comprise et malheureusement fautive de bien des violences faites aux femmes à travers les âges… Et pour étayer mon propos sur la compréhension des polarités et la projection qu’on en fait à travers nos corps biologiques, je glisse une très belle référence au livre d’Annick de Souzenelle, Le Féminin de l’Être, qui permet de comprendre où je veux en venir. Mais cela m’écarterait encore des tome 1&2 de CAPTIVE.

Ce qui m’intéresse vraiment dans ces sagas nouvelle génération, c’est évidemment d’étudier la danse de ces archétypes masculins et féminins sur lesquels je pourrais philosopher durant des heures et qui continuent d’agiter leur sarabande symbolique dans nos inconscients sans que nous arrivions encore à nous en libérer. Cela serait-il d’ailleurs possible ? Pourtant, il le faudrait pour prendre un peu plus de recul avant de jeter au feu mes propos. Par ailleurs, je suis certaine que Carl Gustav Jung aurait beaucoup apprécié d’étudier toute cette nouvelle littérature qui, à mon sens, est très révélatrice de cette recherche éternelle et inconsciente de la fusion du masculin-féminin, de la fusion de l’âme exilée avec l’Eternel, dans notre recherche effrénée d’amour à n’importe quel prix. A n’importe quel prix, vous saisissez ? Je ne suis pas sûre de pouvoir tout accepter de la part de l’être aimé et c’est finalement pour cela que j’écris cette chronique. Notre recherche d’amour absolu justifie-t-elle de tout accepter, y compris l’inacceptable ? Vous avez 4h…

En cela, la talentueuse Sarah Rivens a réussi son pari en écrivant CAPTIVE, paru chez les éditions BMR : celui de faire de Asher Scott, chef du réseau caché de l’illustre famille anglaise, un parfait connard toxique et psychopathe qui, doucement mais sûrement, deviendra le presque parfait protecteur de la veuve et de l’orphelin et par là même, de sa captive, Ella Collins, ancienne captive d’un autre chef de réseau, détruite, violentée et j’en passe. En résumé, un enfoiré de première et détestable, doucement changé en un masculin bien inspecté, fort, beau, viril, organisé et protecteur de « l’édifice » telle la figure de l’EMPEREUR dans le Tarot, cherchant sans le vouloir son IMPERATRICE qui saura le sauver de lui-même. Et ce sombre héros se révèle souffrant (le pauvre !), fort d’une histoire bien dégueulasse qui justifierait la violence qui le caractérise. Ça y’est ? Vous les saisissez ces archétypes éternels et redoutables ?

Ce sont là les valeurs de la Dark Romance. Valeurs que j’ai parfois du mal à partager quand aujourd’hui, il devient urgent de rééquilibrer ces mêmes polarités pour plus de paix relationnelle et universelle. Pour m’expliquer plus avant, cela devrait faire l’objet d’un article de blog où je développerai plus profondément cette danse symbolique et vibratoire du féminin/masculin, de leur impact sur nos inconscients, et de la confusion historique et idéologique qui en a découlé et qui perturbe encore nos quotidiens actuels. Tout cela sans faire dans la débilité binaire, entendons-nous bien. Affaire à suivre donc.

Fin de la digression.

Somme toute, CAPTIVE est un récit palpitant qui m’a emportée et dans lequel j’ai tout de même peiné à rentrer tant par les longueurs inutiles et répétitives sur le premier quart du premier tome, que par la personnalité assez soumise et presque effacée de l’héroïne, Ella, petite poupée de chiffon tremblante, angélique et tellement naïve. Mais le récit et le point de vue interne, alternant sa version de l’histoire avec celle d’Asher, a vraiment apporté du piquant et a suscité mon empathie, ce qui montre le talent de l’auteure car ce n’était pas gagné. Finalement, c’est une saga qui a réussi à me captiver au fil des pages. J’ai beau discuter du fond qui soulève en moi beaucoup de questionnements, la forme est très bien écrite malgré quelques coquilles qui trainent par-ci par-là. L’histoire est très bien assumée et m’a tenue en haleine jusqu’à la fin. De plus, sans parler de grande beauté, la couverture des livres est parlante et l’intérieur illustré à chaque début de chapitre, donne envie. Cette saga piquante va voir naître un troisième tome (1.5) intitulé Perfectly Wrong, qui va être réédité fin mars chez BMR éditions.

Quel point de vue sera utilisé dans celui-ci ? Je me demande et j’ai peut-être hâte de le découvrir.

Je pourrais vous paraître contradictoire, c’est vrai. Mais je crois que c’est tout l’intérêt de ce genre : de susciter la discussion. Pour moi, l’idée de vous parler de la Dark Romance, genre controversé et pourtant très apprécié des lectrices d’aujourd’hui, c’est de nous amener à réfléchir sur ce que nous voulons voir émerger dans les relations d’amour en 2024 et ce qui suscite un tel intérêt des lectrices à notre époque. Domination/soumission ? Ou émergence d’un contrat relationnel nouveau fait, bien entendu, de contrastes inhérents aux deux vibrations, mais fait de compréhension et d’écoute, de réconciliations des contraires ?

Il est l’heure de faire des choix.

Action/réception, Verbe/méditation, sont les qualités éternelles du masculin et du féminin, très précisément. Et ces contractes-là ne se cantonnent absolument pas au genre biologique, encore plus précisément. Alors oui, CAPTIVE m’a prise dans ses filets et m’a fait largement voyager dans les méandres de l’inconscient collectif et de la violence des gangs. Mais il est important de dire que ce n’est pas mon genre préféré. Ce n’était pas acquis pour SARAH RIVENS de gagner mon cœur de lectrice mais c’est un pari gagné.

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