RESURGENCE, un roman de BERTRAND DRECOURT

Chronique écrite par music.a.lire

Résurgence : nom féminin

(latin resurgens, -entis, de resurgere, renaître)

Fait de réapparaître, de ressurgir.

Résurgence est un thriller avec une touche de fantastique voire d’horreur. C’est le premier roman de Bertrand Drécourt sorti chez Librinova en septembre 2023. On y suit en parallèle les aventures du cambrioleur John Kastner et du lieutenant de police criminelle Sarah King. Nos deux héros, hantés par leur passé chacun à leur façon, vont se croiser et se chercher dans la cité de Néopolis, sorte de ville futuriste mêlant le Los Angeles du film Blade Runner et la Néo-Tokyo du chef-d’œuvre d’animation Akira.

John est donc un petit délinquant qui enchaîne les cambriolages dans des pavillons de banlieue. Il est hanté par un ancien méfait qui a mal tourné et où un adolescent a perdu la vie. Souhaitant arrêter ses activités illégales, il accepte ce qui doit être un « gros coup » censé lui permettre de raccrocher en se mettant à l’abri du besoin.

Sarah, elle, est un lieutenant de police hantée par une ancienne affaire non élucidée qui l’a fait tomber dans la déchéance. Elle sombre peu à peu dans l’alcoolisme et s’acharne sur ce dossier en dépit de sa hiérarchie, en espérant trouver un élément lui permettant de résoudre l’enquête.

Leurs passés et leurs présents vont se retrouver mêlés et chacun va être amené à se battre contre ses démons pour avancer dans cette ville gangrénée.

L’auteur, Bertrand Drécourt, est également connu pour son groupe de metal progressif Innerchaos dans lequel il officie en tant que guitariste chanteur et où il était déjà question d’un des protagonistes dans plusieurs morceaux (« The Tale of John Kastner » de l’album « Different stories »). Il a ici étendu son récit et donné plus de profondeur à ses personnages.

Le style est assez fluide et les réfractaires au fantastique peuvent tout de même ici trouver leur plaisir car l’accent est mis sur le côté roman policier / thriller et seuls les derniers chapitres apportent la touche horrifique. L’alternance entre les chapitres se démarque par un changement de pronom personnel : première personne pour John Kastner et troisième pour Sarah King ce qui pousse à se rapprocher du truand.

Et, petit bonus, à la fin du livre se trouve un QR code vous donnant accès à une playlist composée de différents morceaux d’Innerchaos ce qui vous permettra de découvrir ce très bon groupe et de lire en musique pour plus d’immersion.

4ème de couverture : La tentaculaire Neopolis, dans un futur proche.
Dans un monde plus inégalitaire que jamais, John Kastner survit en enchaînant les cambriolages de pavillons de banlieue. Il est hanté par le souvenir d’un acte horrible, perpétré cinq ans en arrière, qui a coûté la vie à un jeune garçon.
Sarah King, lieutenant de police chargée de l’enquête sur le meurtre de l’enfant, a tout perdu suite à l’échec des investigations : son mari, son coéquipier, et sa crédibilité. Rongée par la culpabilité de ne pas avoir su faire justice, elle décide de reprendre secrètement ses recherches.
Le dernier coup de John Kastner va prendre un tour terrifiant, et mettre le lieutenant King sur sa piste.

Bonjour Bertrand et merci de bien vouloir répondre à mes questions

Bonjour, c’est un grand plaisir ! Merci beaucoup pour l’intérêt que vous portez à mon premier roman.

Déjà pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Bertrand Drécourt, je vis avec ma famille en Guadeloupe depuis maintenant 12 ans, après avoir vécu en région Parisienne à peu près aussi longtemps. Mes deux enfants de 3 et 8 ans sont nés ici

Je vous ai connu en tant que guitariste chanteur du groupe Innerchaos, groupe de metal progressif parisien et maintenant je vous redécouvre en tant qu’auteur. Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce premier livre ?

Ce premier roman est une extension du morceau d’Innerchaos « The tale of John Kastner ». Ce titre est paru en deux parties, réparties sur les albums « Different Stories » (2005) et « Cenote » (2010). Dès la sortie de « Different Stories », j’ai eu envie de développer l’histoire et la psychologie du personnage dans le cadre d’une nouvelle, qui est petit à petit devenue roman.

Vous aviez fondé Innerchaos quand vous étiez à Paris et maintenant vous habitez en Guadeloupe. Du coup où en est le groupe ? Pensez-vous en faire un projet solo, travailler via internet, trouver de nouveaux collaborateurs sur place ou mettre fin au groupe ?

Nous avons continué à faire de la musique ensemble à distance, ce qui a donné naissance à « Phase inversion », le dernier album en date du groupe. Pour le moment il n’est plus disponible en ligne car le distributeur numérique a fermé boutique, mais nous travaillons à le republier avec un nouveau partenaire. En revanche, les vidéos des titres A thousand miles away et Uchrony sont toujours visibles sur Youtube. Nous avons également entrepris de réaliser une série de vidéos pour rendre hommage à nos influences. Pour le moment, seule la première est sortie (« Seven days » de Sting), mais deux autres sont en préparation.

Je fais également vivre certains titres d’Innerchaos en live avec mon groupe Tahibo, mais il s’agit de versions acoustiques bien plus soft que les originaux !

Qu’est ce qui a changé entre l’histoire racontée dans les textes des chansons, où l’on trouvait déjà John Kastner et la ville de Neopolis, et l’histoire du livre ?

La trame de fond de l’histoire est inchangée, mais des personnages supplémentaires et des intrigues parallèles se sont rajoutées au fur et à mesure de l’écriture du roman. Les deux premiers tiers du livre correspondent au morceau « The tale of John Kastner », et le dernier tiers à « The tale of John Kastner 2 ». Je conseille à tous les lecteurs du roman de n’écouter les titres qu’après avoir fini leur lecture, car les textes des chansons peuvent révéler certains rebondissements !

Vous êtes lié à John Kastner depuis sa première apparition il y a de nombreuses années maintenant, pourquoi vous êtes-vous attaché à ce personnage ?

C’est un homme torturé, à fleur de peau et bourré de TOCs, un peu comme moi ! Il y a beaucoup de moi-même dans la psychologie des deux personnages principaux, j’y suis donc très attaché car j’ai un peu l’impression de souffrir avec eux !

Allez-vous transformer en roman d’autres protagonistes de vos chansons ?

J’ai en projet l’écriture d’un deuxième roman, qui serait dérivé du titre « Uchrony » paru sur le dernier album d’Innerchaos « Phase inversion ». La chanson décrit notre monde, à une différence près : un tournant décisif aurait eu lieu en 1984 lors d’une prise de conscience collective, qui aurait mené à une société mondialement égalitaire et philanthrope. Je prévois d’explorer cette idée de départ en creusant les raisons ayant mené à ce basculement inexplicable.

Qu’est ce qui, selon vous, différencie l’écriture d’un texte de chanson et celle d’un roman ?

Pour moi, tout est affaire de timing : un texte de chanson doit faire passer une idée ou une histoire dans un temps très court. Il faut aller à l’essentiel, alors qu’un livre permet de planter le décor de façon plus détaillée, d’approfondir la psychologie des personnages et ce qu’ils vivent. D’un autre côté, un texte de chanson bénéficie d’un atout de poids : la musique ! Ce qu’on ne peut pas faire passer par les mots peut être illustré par l’intensité, l’harmonie, les mélodies plus ou moins dissonantes… Ce sont deux exercices très différents, et très gratifiants.

Résurgence étant un livre policier avec des personnages ancrés dans le réel, pourquoi avoir placé l’intrigue dans une ville fictive dans un futur proche plutôt que dans une ville existante dans le présent ?

La ville de Neopolis, dans laquelle se déroule le roman, est le décor de nombreuses chansons d’Innerchaos. Il m’a semblé naturel d’utiliser cette toile de fond, qui m’est familière, pour raconter cette histoire. Tout comme pour les personnages, cela m’a donné l’opportunité de rentrer dans le détail, en décrivant la ville, son atmosphère et ses inégalités plus précisément.

On sent que l’ambiance sombre et crasseuse de Neopolis nous cache encore beaucoup de choses. Pensez-vous écrire d’autres histoires dans cette cité ?

Pour le moment je n’ai pas de projet précis, mais effectivement je tiens trop à ce décor pour ne pas y revenir ! Cela dit la toile de fond de mon deuxième roman sera plus vraisemblablement Paris.

Peut-on en savoir plus sur l’entité aperçue dans les derniers chapitres sans gâcher l’intrigue ?

Difficile de donner plus de détails sans trop en révéler ! Je pense que chacun peut se faire une idée sur ce qui se produit dans le dernier tiers du roman. Ce que je peux dire sans trop spoiler est qu’il y a un point charnière dans l’histoire, où on bascule du thriller dans le fantastique.

A la fin du livre se trouve un QR code donnant accès à une playlist de morceaux d’InnerChaos, pouvez-vous nous parler des morceaux qui la composent ?

– « The tale of John Kastner » rassemble les deux parties de la chanson dans une version remasterisée. C’est la toile de fond de l’histoire : attention donc à ne pas trop prêter attention aux paroles pour ne pas gâcher la surprise !
– « Souleater » concerne le dernier tiers du roman, et donne plus d’informations sur ce qui s’y produit. Le texte de la chanson peut être pris au premier degré, sous l’angle fantastique/horreur, mais également comme une métaphore de certains profils psychologiques de type « pervers narcissique ». Là aussi, attention aux spoilers !
– « Neopolis 1 », « Neopolis 2 » et « The ratrace » sont en quelque sorte des bandes-son de la ville, et décrivent en musique sa noirceur et sa frénésie.
– « Hologram kid » et « The cyb has a gun » racontent deux histoires indépendantes, toujours avec Neopolis en toile de fond. La première parle d’un homme brisé trouvant refuge dans un monde virtuel, et la seconde est la bande-son d’une course-poursuite avec un cyborg échappé du laboratoire dans lequel il a été conçu.

Avez-vous pensé à composer une bande son pour accompagner le roman ou à écrire un album concept reprenant son histoire en intégralité ?

Pour moi, l’adaptation s’est opérée dans le sens inverse : c’est un peu comme si j’avais composé la bande-son avant de réaliser le film. Mais ça serait effectivement très intéressant de repartir du roman pour composer de la musique : peut-être que çà pourrait donner quelque chose de totalement différent des chansons qui ont inspiré le livre.

En tant que musicien et metalleux, qu’est ce qui, selon vous, connecte ce roman à ce style de musique ?

Peut-être l’atmosphère très sombre, et le fatalisme cruel de l’histoire.

Si ce roman était un style de musique, lequel serait-il ?

Il me semble qu’il pourrait s’apparenter à du métal industriel dans la veine de Fear Factory : quelque chose de froid, violent et glauque avec des moments plus lyriques.

Quels sont vos projets futurs ?

Côté musique, je continue à tourner très régulièrement dans les bars de Guadeloupe avec mon groupe Tahibo, avec de temps en temps une opportunité qui nous permet de monter sur de plus grandes scènes. L’an dernier par exemple, nous avons eu la grande chance de participer au Festival Lily, et d’assurer la première partie de Sinsémilia. Nous sommes un trio acoustique pop/folk/reggae, ce qui peut paraître très éloigné de mon style d’origine. Mais nous nous étions déjà aventurés sur le terrain acoustique avec Innerchaos (notamment en première partie de Conscience à l’Estival de St Germain en Laye), ça n’est donc pas quelque chose de totalement inédit pour moi.
Pour ce qui est de l’écriture, j’ai en projet une nouvelle histoire que j’espère mettre en chantier très bientôt, et aussi un texte plus personnel sur lequel j’ai commencé à travailler, dans lequel j’aborde la lutte que je mène contre les TOCs depuis mon adolescence. J’ai moi-même été aidé à de nombreuses reprises par la lecture des témoignages de personnes dans le même cas que moi, j’ai donc envie de partager cette expérience en espérant que cela pourrait aider ou réconforter quelqu’un.

Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me répondre. Je vous laisse le mot de la fin.

Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à mon roman, et pour l’opportunité que vous m’avez offerte de détailler le parallèle avec ma musique. Je salue tous les lecteurs du blog, et j’espère que cette interview suscitera l’envie de lire Résurgence ! A très bientôt !

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