SPORES écrit par Olivier VALBREYE

Spores a été publié en avril 2023, aux éditions Otherlands. Il s’agit du premier roman de l’auteur, Olivier VALBREYE. Il nous dévoile un éco-thriller mêlant scandale sanitaire et enquête policière. Ecrit avant et pendant la période du fameux virus, ce roman mêle fiction et réalisme avec brio.

4ème de couverture : Le projet Nova : un complexe de recherche et d’innovation destiné à devenir le pôle des industries de pointe. Parc industriel perdu au milieu des champs en Haute-Garonne, il donne à l’environnement un air de colonie martienne. Jusqu’à l’accident. Agents chimiques, biotechnologie, matériaux toxiques et instables ou encore organismes rares et dangereux sont expulsés dans l’air et répandus sur la terre. La région est confinée, et renommée « Zone Morte ».
Mais tout n’a pas disparu… dans ce nouvel environnement, des micro-organismes, des espèces végétales ou animales ont fait leur apparition : on les appelle les « cas marginaux ». Bustari et Prévil, enquêteurs spéciaux de la Mission de Contrôle Sanitaire, sont désignés pour enquêter sur ces derniers. Aidés des officiers Berthod et Skeb, ils vont se lancer sur une affaire qui les poussera plus loin qu’ils ne le pensaient.
En effet, depuis peu, une vague de morts suspectes liées aux cocons, des organismes fongiques aux propriétés étranges, balaye la région. Au fil des investigations, ce qui semblait n’être que des accidents se révèle faire partie d’une grande manipulation, beaucoup plus dangereuse : deux questions se posent désormais : comment lutter contre cette menace ? et surtout, qui tire les ficelles ?

La Zone Morte

Le projet Nova était LE projet d’avenir pour l’Etat et les grandes sociétés privées, il devait être le plus grand complexe des industries de pointe. Un jour, sans que l’on en connaisse les véritables raisons, un terrible évènement survient. Sur une surface aussi étendue qu’un département, tout est ravagé, souillé de déchets toxiques, vidé de sa population en raison de la fuite d’un virus nommé Eole. Les bases sont posées, elles rappellent clairement des évènements qui nous ont marqués, je veux parler des catastrophes d’AZF et LUBRIZOL, le Covid. La vie suit son cours et s’adapte en fonction des contraintes environnementales sur le site. Ailleurs, la vie a changé aussi, un mal-être ambiant règne, le rapport à la vie et aux autres est  différent…

C’est dans ce contexte que Julien BUSTARI et ses collègues PREVIL, BERTHOD et SKEB, sont chargés d’enquêter sur plusieurs décès suspects. En effet, les victimes sont retrouvées dans des cocons formés par un champignon endémique de la Zone Morte. Les enquêteurs vont très vite être confrontés à deux types bien distincts de décès. Crimes, suicides, problème sanitaire ? Contamination ? Infection ? Ce champignon, aussi fascinant qu’effrayant, suscite beaucoup de questionnements. Le quatuor devra explorer de nombreuses pistes pour découvrir la cause de ces décès.

Ce roman, assez noir il faut l’avouer, aborde de nombreuses thématiques actuelles : la place de l’individu au sein de la société et le rapport aux autres, l’anxiété d’anticipation, l’écologie, solastalgie, nouvel ésotérisme, nihilisme, etc.

Par ailleurs, l’auteur nous éclaire beaucoup aussi sur le psychisme des personnages. On peut ressentir leurs différents états d’âme et s’identifier facilement à l’un ou l’autre. J’ai vraiment apprécié cet aspect « creusé » et très psychologique. C’est une façon très intéressante de faire la connaissance des personnages et de suivre leur évolution tout au long du roman.

L’auteur, avec sa plume sombre et parfois crue, nous emporte dans un univers un peu brumeux. Où est la frontière entre la science-fiction et le récit prémonitoire ? C’est un livre qui pousse au questionnement. Il ouvre les consciences sur le monde actuel et son possible avenir, le tout imbriqué dans une enquête policière finement menée.

Olivier VALBREYE a bien voulu répondre à quelques questions.

Olivier VALBREYE

Pouvez-vous vous présenter ?
Salut et merci à vous pour cet entretien. Je m’appelle Valbreye Olivier, j’ai 32 ans, je vis actuellement à Toulouse et je suis écrivain.

Si l’on doit classer Spores dans un style, devrait-on dire que c’est un éco-thriller ou plutôt une œuvre de science-fiction ?
Pour être tout à fait franc, moi et l’éditeur avons choisi le terme d’éco-thriller car nous avions du mal à classer Spores, c’est un livre un peu hybride (comme souvent avec les premiers romans). Nous avons privilégié le terme d’éco-thriller (qui nous vient des US) parce qu’il recouvrait une bonne partie du livre, et que c’est un genre qui résonne avec notre époque. Après, à mes yeux, Spores est une œuvre de SF et d’anticipation, il a été pensé comme tel dès le départ. Je voulais avec ce roman traiter de notre époque, mais sans écrire de livre qui soit une copie du réel (journal intime, pamphlet, roman social, politique, autofiction, etc.). Mon choix s’est directement porté sur la SF et l’anticipation qui me parlaient énormément. Les aspects polar, roman noir, éco-thriller, sont venus par la suite. Donc SF/Anticipation. La 4e de couverture a d’ailleurs été changée en ce sens depuis peu.

Les thématiques abordées se déclinent en 50 nuances de Noir. Est-ce votre vision du monde aujourd’hui ? et celui de demain ? N’y a-t-il pas d’espoir ?
Je suis moins sombre que mes personnages, bien que je partage en partie leur vision du monde. Disons que je suis un pessimiste, mais j’ai mes moments rabelaisiens. Je viens du Sud après tout, ça doit jouer.
Pour le monde de demain, il y a en effet peu de motifs de réjouissance quant à l’avenir de l’humanité, ou celui de nos sociétés modernes. La question centrale, même si elle n’est pas la seule, est celle de l’écocide, source d’angoisse et de crainte légitime. Certains pensent que la science trouvera un moyen de nous sortir de là, c’est une thèse qui se défend. L’autre solution serait que nos dirigeants prennent les choses en main (c’est censé être leur job), au lieu de se reposer sur le seul peuple (qui fait comme il peut). Une chose est sûre, nos gouvernements attendront d’être dans la tempête pour agir, comme ils l’ont toujours fait. Pour cette raison, il faut nous préparer à des moments un minimum douloureux.
Concernant l’espoir, il est trop tôt pour dire que tout est perdu. L’essentiel est de ne pas se bercer d’illusions, d’agir si l’on peut, et advienne que pourra.
D’ailleurs, nombreux sont ceux qui se réjouissent à l’idée de voir bientôt l’humanité disparaître, de voir enfin le vers agoniser ; je n’ai pas cette jouissance. J’aime bien l’humanité, dans cent ans, il n’y en aura peut-être plus. Je la préfère de loin au néant.

Bustari, Skeb, Berthod et Prévil sont-il résignés ou résilients ?
Je pense que leur quête de vérité, de lucidité, les amène vers la résignation (le réel étant ce qu’il est, complexe et froid, c’est généralement la contrepartie de ce genre de démarche). Pour autant, chacun d’eux aspire à la résilience, cela se ressent dans leurs relations, leurs mots, leurs choix, et également, dans le fait qu’ils aillent au bout de l’enquête, qu’ils n’abandonnent pas sur ce point. Je dirais qu’ils sont résignés et combatifs à la fois, à l’image d’une partie de notre génération. Ils ne se complaisent pas dans le mal et ne se ferment jamais à la possibilité d’un « mieux ». Par contre, si la vie les heurte, les malmène, ils l’admettent et l’intègrent, ils ne nient pas.

Bien qu’il ne soit pas littéralement question de musique metal dans Spores, on en ressent pourtant l’influence. Comment l’expliquer ?
Oui, je vous rejoins totalement, et vais tenter une explication.
Vers mes 14/15 ans, je suis en effet tombé dans le metal, puis dans le black metal. Depuis cette époque, le BM m’accompagne au même titre que la littérature. L’explication pourrait donc s’arrêter là : j’écoute du BM donc Spores sonne BM. Mais il y a un problème : d’autres influences ont porté ce livre, pourtant, elles ne se ressentent pas autant à l’intérieur…
Le BM a ses codes propres : visuels sombres, tremolo, disto, blast beat, hurlements, prod « raw », etc. Ces dernières années, de nombreux groupes se sont amusés à défaire ces codes, à expérimenter, notamment en France avec KPN, Diapsiquir, Alcest, Spektr, Blut Aus Nord, Deathspell Omega, Murmuüre, etc. Pour certains, ce n’est plus du BM, pour d’autres, comme moi, c’en est totalement, et c’était généralement revendiqué comme tel. A l’inverse, d’autres courants musicaux ont imité ces codes, ou s’en sont rapprochés : la trap, la drill, l’ambient, la synthwave/darksynth (dont pas mal de groupes viennent du BM pour le coup)… Bref, le BM peut se ressentir là où on ne l’attend pas, et dans des genres souvent éloignés les uns des autres. Pourquoi ?
Selon moi, c’est parce qu’il est, en plus d’être une musique extrême, un état d’esprit et une esthétique autonome ; en somme un système, une « manière » (ce que l’on nomme parfois en Lettres un « art poétique »). Il est une façon particulière d’appréhender le monde et de le retranscrire. Cette manière, je l’ai retrouvé chez certains écrivains : Dostoïevski, Céline, Bernanos, Huysmans, Bloy, Maupassant, les poètes… On pourrait parler dans leurs cas de littérature sombre, torturée, boiteuse, « déchantée » comme dirait Corbière. Nombreux sont les groupes de BM qui se sont inspirés ou ont repris les textes de ce genre d’écrivains : Baudelaire, Verlaine, Corbière, Lautréamont, Villon, Artaud, Bataille, Maupassant, Céline, Lovecraft, et j’en passe… On retrouvera ainsi dans le BM et dans cette littérature « sombre » un même état d’esprit, quelque chose à base de radicalité, de noirceur et de mysticisme, qui leur permettra de communiquer ensemble. C’est parce que le BM est plus qu’une musique qu’il peut se reverser ailleurs, et c’est parce que la littérature possède déjà le bon réservoir qu’elle peut accueillir son carburant.
En écrivant Spores, j’ai vu que cet état d’esprit, cette manière, ressortait dans mon style automatiquement, et contaminait mes thèmes, mes personnages. J’ai décidé d’y aller à fond, car c’était ce que je voulais exprimer. Elle était la focale idéale pour capter notre époque.
C’est donc cette manière poussée au max qui donne, selon moi, ce côté « metal » à la lecture. Spores est un livre, mais parfois, je me dis qu’il pourrait être compressé et foutu dans une cassette estampillée 666, sans que cela ne dénote vraiment.

Si vous deviez proposer d’accompagner cette lecture en musique, quels albums nous conseilleriez-vous ?
Le BM « expérimental », voire « urbain », ferait une bonne playlist pour l’accompagner. J’ai écrit Spores dans la métropole toulousaine en vivant surtout la nuit, sa tornade de sirènes, de cris, de lumières, de fracas, de briques (plus noires que roses à cette heure-là) a complètement porté le livre. Cela donnerait : « Love Exchange Failure » de White Ward, « The Constellatory Practice » d’Urfaust, « Sur les Falaises de Marbre » de Glaciation, les albums d’Amesoeurs et d’Asphodèle, et pour changer un peu du BM, l’EP « In a Beautiful Place Out in the Country » de Boards of Canada.

Quels sont vos futurs projets ?
J’écris actuellement les paroles du groupe de BM Agelaste, qui n’a encore rien sorti et bosse actuellement sur son premier album. Cela devrait sortir d’ici un an si tout se passe bien (croisons les doigts). Je compte publier un peu de poésie, et d’ici un an ou deux, repartir sur un roman. Peut-être une suite à Spores ou autre chose, ce sera selon l’inspiration.

Merci encore pour vos questions, et pour le travail salutaire que vous fournissez avec SBUC.

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