LES RETRANCHEMENTS de SILHOUETTE

Chronique écrite par Mylou Nordes Ulv (Mylène JAVEY)

Groupe : Silhouette

Album-EP : Les retranchements

Année : 2022

Label : Antiq Label

Les temps pluvieux sont toujours propices à la flânerie, à la musique ancienne et vocale en ce qui me concerne. Une viole de gambe jouant du Marin Marais, un luth Renaissance, une suite de Bach ou un Salve Regina de la période Baroque ont la plupart du temps ma préférence, entrainant dans leur sillage l’oubli bienvenu de la mélancolie. Et c’est en observant ce matin le plafond bas du ciel, qu’un album m’a été plus que justement suggéré par ma plateforme d’écoute, comme un vent suave jouant soudainement dans mes cheveux une mélopée extatique bruissant dans le feuillage des arbres. Je vous parle ici de la fraicheur incomparable du combo français de Black Metal atmosphérique, Silhouette, créé à l’initiale par Achlys en 2019 comme un one man band, et de son merveilleux opus, Les retranchements, sorti en janvier 2022 chez Antiq Label.

Il y a dans ce 1er EP de sept titres, un contraste saisissant clair-obscur, une symétrie parfaite entre interludes célestes, oniriques et poétiques, et puissance du Black atmosphérique. Outre la production claire et agréable pour l’oreille, c’est donc l’alternance parfaitement équilibrée entre voix saturée d’un BM fantastique comme Akhlys ou Deathspell Omega, et cette voix féminine veloutée, pure et limpide, qui m’a totalement prise au dépourvu et subjuguée lors de mon évasion méditative matinale. Moi qui aime vous inviter aux voyages stellaires et musicaux, Ascension, La Première Neige et Au seuil de l’Oubli m’ont, par la beauté des textes, happée dans leur halo « dark light poetry » absolument fascinant. L’empilage subtil des voix féminines couplé au dosage équilibré et mélodique des riffs, m’a abîmée longtemps dans les brumes alpines comme le ferait une pluie fine laissant battre doucement son clapotis suave et régulier après l’orage. Je ne m’étais pas trompée car Silhouette visite ainsi les ruines des âmes et le souvenir lointain d’êtres disparus telles des voix dont l’écho résonnerait encore quelque part dans nos lignées passées.

« Une sanguine violence frappe cette âme de nonchalance, rongée par l’amertume et les regrets qui la consument, esquivant les soins palliatifs en quête d’un songe extatique. L’air froid emplit de volutes d’appréhension des sentiments vassaux qui retiennent en leur joug une âme qui souhaiterait danser. »

Soupir d’extase… L’âme danse, oui. Même au cœur de sa nuit noire et de son long voyage vers la demeure céleste. Pour autant, le soleil n’a pas encore inondé de ses rayons la plaine grenobloise et ne le fera probablement pas aujourd’hui. Les nuages défilent et le silence alentour emplit mon cœur d’un calme absolu alors que l’Interlude se termine, évanescent et intime, ayant réussi là l’exploit de libérer pour un moment suspendu dans « le temps qui s’enfuit », les remords et les colères qui me consument avec une étrange facilité. Le temps pourra bien rester à la pluie comme en cet instant, le calice s’est vidé et se régénère doucement au son de l’ange. L’entendez-vous, vous aussi ?

Mon expérience de professeur de chant m’invite toujours à tendre une oreille attentive et parfois exigeante à l’égard de certains chanteurs, c’est vrai. Déformation professionnelle, parfois, pardonnez-moi. Seulement ici, la synergie entre voix aériennes et instruments est habilement exécutée, laissant ressurgir dans mon esprit les souvenirs agréablement fugaces d’albums de Theatre Of Tragedy, de The Gathering, ou encore d’Ataraxia, bien que parfois, j’attendrais un peu plus de précision sur la diction de la damoiselle de Silhouette. Mais ce n’est qu’un menu détail pourtant d’importance pour la langue française, mais sans réel impact sur le reste. Cette fois, je passe car devant la beauté d’une telle œuvre, il s’agit seulement de laisser son esprit vagabonder dans la nature et d’élever son écoute intérieure pour son plus grand plaisir. Ce qui est, bien entendu, plus que réussi !

Vient ensuite Les Retranchements qui nous fait repartir en douceur sur les couleurs d’un Dark Rock progressif entêtant pour nous attirer au firmament de l’Etreinte de la chute avec ces blasts et ces voix torturées aux couleurs d’un Amenra envoûtant, confinant ici encore à l’âme, la beauté sublime de la conscience de sa propre chute dans la nuit et de l’oubli éternel. Deuxième soupir…

Enfin l’Outro vient clôturer en beauté le spleen qui m’a étreinte l’espace d’une écoute. Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas encore vous dire à quel point je pousse fort derrière la scène française qui a largement mérité ses galons à l’internationale. Et il va sans dire que je salue ce premier opus des Montpelliérains avec grâce et que je vous invite vivement à entendre son chant. Leur premier album sortira en 2024 et nous plongera définitivement dans les abysses d’un post BM plus sludge, voire post hardcore, nous faisant ainsi la promesse de voyager aux confins du sommeil et des profondeurs de la conscience. Il est certain que toutes mes personae masquées se sont d’ores et déjà assises au premier rang de mon petit théâtre intérieur en attendant la prochaine tempête et l’accalmie qui s’en suivra forcément. N’est-ce pas ? Et en attendant de pouvoir transformer l’expérience auditive en extase scénique, je me réveille doucement à ma réalité en souriant. Il semblerait bien que le soleil ait finalement succédé à la brume. There is beauty in darkness.

Vous pouvez retrouver Silhouette sur vos réseaux favoris : https://linktr.ee/silhouettebm?fbclid=IwAR1T_XuMWvtn2b_kbboEsd8eJQigh2KjBvSullKcpEH4sYI_H-PNueuMA10

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