Chronique écrite par François KÄRLEK
Derrière ce titre qui frôle l’oxymore en combinant un personnage historique et une créature mythique moderne se cache un excellent divertissement loin d’être bas de plafond. On se détend, on s’ouvre l’esprit et c’est parti !
Publié Aux Forges de Vulcain 2020 puis en poche en 2021 pile un an plus tard (ce qui souvent un gage de succès), voilà la 4ème de couverture : Avril 1815. Fort Boyard. Le capitaine Eonet jubile : il vient de capturer l’ennemi numéro un de Bonaparte, Lord Cochrane. Mais l’officier français n’est pas rassuré. Est-ce que le célèbre marin écossais ne se serait pas laissé prendre, afin de pénétrer la forteresse et d’y espionner les troupes de l’empereur ? Alors que commence un patient face à face entre les deux hommes de guerre, d’étranges créatures lancent un assaut sur la garnison. D’où viennent ces monstres ? Et pourquoi attaquent-ils le fort ? Et si elles annonçaient le réveil d’une bête plus ancienne encore, terrifiante, cosmique : Cthulhu ?

A la limite du spoiler, cette 4ème a le mérite d’annoncer la couleur : ça va saigner !
D’un côté du ring, nous avons donc Lord Cochrane, pas forcément le marin le plus connu du public (Nelson et son Trafalgar étant largement plus célèbre) mais un personnage haut en couleur, aux multiples vies puisqu’il a été politicien et surtout marin, du côté anglais mais aussi chilien puis brésilien. Il a d’ailleurs inspiré le personnage du film Master and Commander (2003 de Peter Weir avec Russell Crowe).
De l’autre côté du ring on trouve Cthulhu, la fameuse créature dont il faut savoir que le mythe, développé à travers de nombreuses œuvres (en particulier dans l’univers du jeu de rôle) ne se base au départ que sur une seule nouvelle de H.P. Lovecraft « l’appel de Cthulhu ». Bien entendu tout amateur de métal verra bien de quoi je parle, ayant croisé les ambiances glauques, malsaines et fantastiques qui entourent la cosmogonie de cet auteur dans de nombreuses œuvres métalliques (entre autres Metallica, Cradle of Filth, Celtic Frost, Samael, The Great Old Ones et tout récemment Les Enfants de Dagon qui ont accompagné la sortie de leur 1er album avec une nouvelle d’inspiration lovecraftienne).
Ce roman, extrêmement documenté, que ce soit par ses références historiques ou au mythe de Cthulhu, nous propose donc une confrontation au sommet dans un cadre un peu particulier, puisque feront office de ring Fort Boyard et l’océan environnant.
L’action débute en 1815, à l’approche de la fin de l’empire napoléonien, avec la capture de Lord Cochrane par le capitaine Eonet, gouverneur de Fort Boyard.
Le début du roman laisse penser que l’on va assister principalement aux tentatives d’évasion de Cochrane, une sorte de Mac Gyver du XIXème, mais la suite va s’avérer évidemment bien plus trash et barrée qu’un roman d’aventure classique…
En effet, une enquête sur de récentes disparitions et des recherches archéologiques pilotées par les frères Champollion au sein du Fort vont mener à la découverte d’éléments surnaturels qui vont prendre le dessus sur la suite du récit et le faire basculer dans l’indicible, changeant radicalement le ton de l’œuvre à la manière d’une Nuit en Enfer (un de mes films cultes) qui démarre en polar classique tarantinesque pour finir en baston de vampires délirante.
Comme il me semblerait dommage d’en révéler plus sur le fond, sachez que seront tout au long du roman habilement mélangés les évènements liés à une éventuelle venue de Cthulhu et ses sbires à la surface du globe et de nombreuses péripéties autour du conflit entre les soldats du fort et leurs détenus.
Le style de l’auteur m’a beaucoup plu par sa précision dans les descriptions et surtout le détail des affrontements entre des créatures fantastiques et les simples humains qui vivent dans le Fort.
Chaque action est précise, chaque protagoniste clairement identifié, le texte est ciselé, soigné, avec une dimension cinématographique dans l’écriture (excellente traduction) qui rend parfaitement intelligibles certaines scènes complètement folles qui auraient vite pu devenir très brouillons.
De plus, l’histoire monte en puissance et ne ménage pas ses effets, ce qui rend le livre très prenant et difficile à lâcher, tel le meilleur des page-turner.
Dernier point fort selon moi, l’idée de mettre en scène le livre dans Fort Boyard, lieu extraordinaire par son histoire qui parlera à tous en termes d’architecture avec ses coursives et surtout sa cour intérieure qui fera l’objet d’épisodes mémorables franchement plus palpitants que les sempiternelles épreuves d’une équipe de pseudos stars qui courent après des clés.
On passe donc un excellent moment avec ce récit d’Aventure avec un grand A et vous pourrez retrouver Cochrane dans 3 autres récits si le cœur vous en dit, même si ce 1er roman se suffit à lui-même.