Interview avec Fred de ACOD menée par François KARLEK et Kevin « The Ritualist » Pennanech

ACOD jusqu’à présent
ACOD est un groupe de Marseille, créé en 2006, qui office dans un style Black Metal largement saupoudré d’éléments Death/Thrash et Symphoniques.
Ils ont sorti jusqu’à présent 5 albums et 2 EP. Le succès public et critique s’élargit très nettement depuis le 4ème album The Divine Triumph sorti en 2018, puis leur signature en 2022 avec le label Les Acteurs de l’Ombre (une association de passionnés qui met en avant le métal extrême français et comprend d’autres excellents groupes tels que Pénitence Onirique, les Chants de Nihil, Houle…) et enfin la sortie de l’album « Fourth Reign Over Opacities and beyond ».
Bonjour Fred, la formation stable actuelle Fred + Jérôme + Raph semble très bien marcher. Vous êtes 3, y a-t-il un rapport avec le trident que vous utilisez sur le logo depuis Divine Triumph et qui nous intrigue ?
Tout d’abord, le Trident est utilisé en tant que symbole ancien de l’arme divine de Poséidon et de la fourche du diable que l’on peut trouver sur d’anciennes gravures.
Ce Trident représente bien aussi les 3 membres principaux du groupe. Cependant, on a tous des activités principales en dehors de la musique et Raph ne pourra plus être batteur par manque de temps. Cependant, il fait partie des amis très proches et continuera l’aventure avec nous en bossant sur les visuels et le management.
Le son du groupe a acquis, selon nous, une personnalité forte entre l’album To The Maelstrom et The Divine Triumph : les intonations et le placement du chant, la production des claviers, le rôle de la basse, les harmonies globales sur les passages de blast.
Nous pensons que l’on peut désormais reconnaître très facilement votre « patte ». Est-ce que cela s’est fait naturellement ou était-ce une volonté forte de vous démarquer au maximum des autres groupes qui pratiquent le style black/death ?
Nous sommes passés de 5 à 3 compositeurs entre ces albums. Cela permet de simplifier le processus et on voulait d’un commun accord avoir un son plus organique.
Le mix et le master ont été faits au Fascination Street studio. Les premières ébauches avaient un son typique à la suédoise avec les guitares presque trop mises en avant. Jens Bogren, Linus Corneliusson et Tony Lindgren ont revu cela et ont réussi à obtenir le son que l’on voulait : organique et naturel tout en étant précis propre. La basse en avant est aussi volontaire pour donner plus de relief.
Concernant le chant, j’ai développé la diction et l’articulation. Les mots importants de nos textes sont souvent doublés, il est nettement plus facile de superposer plusieurs voix si elles sont intelligibles et parfaitement calées, c’est un exercice nécessaire et on y gagne en impact je pense.
Quels sont vos meilleurs et pires souvenirs de concert ?
Pire souvenir de concert :
En 2018, après 4 jours de Hellfest en tant que spectateurs, on devait enchaîner sur un concert à Colmar puis Lyon en première partie de Cannibal Corpse. Le départ était prévu à 4h du mat du Klub situé dans Clisson.
Je voulais me reposer comme il faut avant puis je passe à côté de la tente Fury, il y avait Pantera. Je me suis fait avoir comme un gamin ! Résultat je profite du concert bien comme il faut et finis par me coucher à la fois bien trop tard et passablement bourré.
Le lendemain pour la date à Colmar j’étais totalement aphone, je demande conseil à tout le monde, y compris des profs de chants et finis avec plein de recommandations : boire du whisky sec, prendre des remèdes… Bref rien n’y fait au final, et je monte le soir sur scène avec tellement peu de voix que l’ingé son doit monter le micro au max et j’assure franchement pas du tout sur ce concert. C’est mon pire souvenir et je pense que l’on ne m’y reprendra plus.
Meilleur souvenir de concert :
C’est plutôt un souvenir de tournée : celle avec Cradle of Filth. On avait une équipe technique qui était à la fois fêtarde et ultra pro. On s’est retrouvés en galère pour une date en Italie. On a perdu un temps fou en Suisse, coincé avec notre Van dans les bouchons. Résultat on est arrivés très très en retard, mais l’équipe a mis un temps record pour tout installer, malgré la pression et la fatigue. Une équipe soudée, cool et qui assure, c’était juste parfait !

ACOD aujourd’hui : la sortie de FOURTH REIGN …
La pandémie vous a-t-elle été profitable pour la composition du cet opus ?
Alors effectivement, la pandémie nous a laissé beaucoup de temps pour travailler et peaufiner l’album Fourth Reign en détails. L’histoire narrée dans cet album et l’EP (Cryptic Curse, sorti le 3 février 2023) et le LP à suivre a été totalement définie avant, ce qui ne pose pas de souci car ce sont des thématiques fantastiques et sans corrélation avec l’actualité. La musique aussi a été travaillée en même temps dans les grandes lignes pour plusieurs œuvres à venir
Jérôme fait-il la musique en accord avec les écrits de Fred ou compose-t-il seul avant que Fred y plante ses mots ?
Les tâches sont bien partagées, Jérôme compose tout avant et j’ai une vue d’ensemble sur les compos et adapte les paroles. Je vois quel morceau traitera tel ou tel sujet, puis on affine les détails ensemble. Jérôme envoie les titres en version studios puis je teste des choses et chante ou déclame dessus. Parfois c’est très spontané, sur la première prise du morceau éponyme « Fourth Reign » j’ai quasiment improvisé sur le passage déclamé et on a au final gardé cette prise car il était impossible d’en retrouver la spontanéité ensuite.
Sur le futur album, le chant a été fait sans préproduction et enregistré directement en studio. Jérôme a découvert le résultat directement. Notre manière de fonctionner est basée sur notre confiance totale l’un envers l’autre et notre complémentarité.
Comment se composent les parties symphoniques/orchestrales par rapport aux parties metal ?
Je suis très attiré par les parties symphos et je propose des idées (violoncelle, trompette).
Jérôme assemble les parties sur la base de nos idées communes et les pose sur la musique metal brute qu’il compose toujours en premier. Il s’est mis aux orchestrations avec différents logiciels pendant le confinement et Fourth Reign est le premier album sur lequel il a tout fait.
Quelles ont été les influences pour arriver à cet opus ? (Livres, musiques, films…)
Pour la composition des paroles, les influences sont très diverses, il y a un aspect cinématographique chez ACOD car on est de gros consommateurs de films. J’adore les Films fantastiques vraiment barrés et travaillés comme Interstellar ou The Fountain (qui colle très bien aux thèmes de The Divine Triumph). Pour ACOD, il y a un côté série aussi car j’ai découpé l’histoire par épisodes, et j’essaye d’être original dans mon approche (avec par exemple le concert de « spin off » sur l’album à venir).
Le chant féminin semble être celui de sorcières. Quand le chant masculin est clair, c’est apparemment celui du personnage qui subit. Quand le chant est guttural, qui est le personnage ?
Le chant féminin correspond bien aux sorcières. Chez ACOD, Les sorcières sont des personnages de notre monde qui se projettent dans l’après vie et découvrent un personnage principal (l’Elu) qu’elles veulent récupérer pour l’avoir dans leur cause. Sur le morceau Artes Obscurae, elles sont plusieurs qui psalmodient un rituel et c’est ainsi que l’Elu est éveillé.
Le personnage principal s’exprime bien en français, les voix gutturales sont tout simplement le fil narratif.
Pouvez- vous nous expliquer la continuité, en particulier au niveau des pochettes de « The Divine Triumph » et » Fourth Reign Over Opacities And Beyond » ?
Paolo Girardi est un artiste italien, à la fois bizarre et talentueux. On a découvert son travail avant l’album « The Divine Triumph » dont il a réalisé la pochette. Le personnage principal a perdu sa femme et sa fille, il est au bout du rouleau et entre dans le trou noir de la pochette de « The Divine Triumph ». Par la suite, il ressort de ce vortex sur la pochette de « Fourth Reign », qui représente son arrivée avec un flot d’âmes dans le monde d’après, une sorte d’enfer en l’occurrence.
Il y aura un lien visuel aussi avec la pochette de l’album qui clôturera la trilogie, mais pas avec l’EP « Cryptic Curse » à venir par exemple.

Pouvez-vous nous expliquer les personnages qui figurent sur les photos de vos livrets ? (En particulier le jeu de tailles entre les membres du groupe et le maquillage noir)
On a clairement voulu avec ACOD travailler les photos et visuels pour sortir de la photo bateau « tous devant un mur les bras croisés et c’est torché ! ». Le fait d’être à trois sur Divine a permis de bosser chaque aspect de la musique, le son, les paroles, les artworks, et donc travailler les photos aussi.
Nicolas Senegas nous a proposé des photos originales qui nous ont plu.
Effectivement, on a joué sur les contrastes de Jérôme qui semble démesurément grand par rapport à Ralph et moi. Il y a aussi un fond blanc assez agressif comme un soleil qui te cramerait la peau.
Le maquillage noir évoque la corruption ainsi que nos habits qui se détériorent au fil de nos albums et nos aller-retours en enfer.

ACOD à venir
La version japonaise présente un bonus, pourquoi pas un bonus sur les versions françaises de prochains albums ?
En fait les bonus présents sur les versions pour le Japon et l’Amérique du Sud sont à comprendre comme une compensation pour ces auditeurs qui sont trop loin pour nous voir en concert, la France est déjà assez gâtée de pouvoir nous voir en vrai (rire).
Vous venez de signer avec Metallian Production, quelles en seront les conséquences positives pour vous en 2023 ?
C’est une très bonne nouvelle pour nous évidemment. Lors de la sortie de Fourth Reign, notre tourneur (K productions), a arrêté de s’occuper de groupes métal. On trouve essentiel d’être réglos humainement et on a donc attendu de mettre fin ensemble à notre collaboration avant de passer à autre chose. Ensuite, ça a été compliqué puisqu’on avait perdu du temps pour les dates à caler (avec un effet d’embouteillage de demandes des groupes après le Covid).
Heureusement Yves Campion, qui est copain de longue date, a tout repris en main et nous a proposé de tourner avec Metallian : on a des dates déjà calées à Marseille, Grenoble etc…
Y’a-t-il un endroit où vous rêveriez de jouer ?
Il y a deux endroits qui me plairaient beaucoup.
Le Hellfest déjà, qui est un peu comme un rêve de gamin et où on est déjà allés en spectateurs évidemment ! Il faut se rappeler que dans les années 90, les gros festivals étaient en Allemagne et qu’une telle organisation semblait impensable en France à l’époque. C’est devenu un énorme rassemblement et on serait ravis d’y aller si l’occasion se présente !(NOTA : rêve exaucé depuis l’interview avec la programmation de ACOD au Hellfest 2023.)
L’autre est le 70 000 tons of Metal. Venant du Sud, les bateaux, la plage sont des choses qui m’attirent et me parlent, et puis ça a l’air d’être la folie sur ce paquebot !
Question finale : mais bon sang que signifie ACOD ? le saura-t-on bientôt ?
Oui à la fin de la trilogie, patience…
Un énorme merci à toi Fred pour cet entretien.
Le plaisir est réciproque, on se croise dès que possible en live !