Dark Desires de Saad JONES

Chronique de François KÄRLEK

Je suis ravi car je tenais beaucoup à rédiger cette chronique du dernier roman de Saad Jones.

En effet, donnant suite à Violent Instinct et Red Roots, Dark Desires avait la lourde tâche d’introduire un nouveau personnage principal tout en réunissant les personnages clés des romans précédents afin de conclure les divers arcs narratifs liés à leurs parcours personnels.

J’étais donc impatient de savoir si l’auteur allait réussir le défi de délivrer un ouvrage qui assurerait au mieux la complétude et la cohérence d’une œuvre ambitieuse entamée en 2017 et publiée intégralement aux Flammes noires édition.

4ème de couverture : 1982 : le groupe White Iron est au sommet de son art, enchaînant les concerts à travers le monde et électrisant les foules en les abreuvant d’une nouvelle forme de Hard Rock plus rapide, plus puissante et plus virile que tout ce qu’elles avaient jamais entendu.

Leur flamboyant leader John Bird, alias l’Aigle, hypnotise le public à chacune de ses apparitions, jusqu’au jour où, quelques heures après l’extraordinaire performance du groupe au festival de San Fernando en Californie, deux fans de White Iron se donnent la mort.

Face à ce drame, convoqué par la justice, John Bird se retrouve alors confronté à ses propres contradictions et à sa conscience.

Dans « Dark Desires », White Iron pratique donc un hard rock que je suppose de la NWOBHM, alors que HM œuvrait dans le Death Metal (Violent Instinct) et le groupe de Lia dans le black métal (Red Roots).

Plusieurs facettes diverses et complémentaires de l’art Metal qui permettent à l’auteur d’explorer à chaque fois de nouveaux personnages et pistes narratives. On peut ici évoquer le brio de la description des sentiments qui galvanisent les musiciens sur scène dans ces trois romans, même si la richesse du personnage de John Bird ne sera pas franchement liée à ses performances musicales mais à son humanité, thème très présent dans l’œuvre de Saad, et mis en avant plus que jamais dans cette œuvre conclusive.

Tilio remettait en cause son propre mode de vie, Mia expulsait sa rage à travers sa musique, John, surnommé l’Aigle, s’avèrera fragile derrière son personnage médiatique et trompeur, tout en grandiloquence et virilité.

Le principal atout du roman provient tout d’abord de sa construction, l’équilibre est très bien pensé entre la trame narrative de John Bird et celles des nombreux autres personnages, d’autant plus que les récits sont imbriqués, et que de nombreux événements des tomes 1 et 2 (on peut citer par exemple sans trop en dire le changement d’identité de Zafer) reviendront au premier plan avec un éclairage nouveau permettant leur complète compréhension.

La trame temporelle est elle aussi parfaitement maîtrisée, puisqu’elle débute avant le tome 1 pour ensuite croiser et enfin dépasser les événements des tomes 1 et 2, avec un minimum de rappels et redondance, ce qui s’avère très appréciable quand on a bien en mémoire les tomes précédents. Je déconseille en revanche vivement de découvrir ce livre sans avoir lu préalablement les autres, car ce dernier tome ne s’autosuffit pas mais assure les connexions nécessaires pour faire de cette trilogie un tout cohérent.

L’autre grande force du roman repose sur ses personnages, dont les motivations sont claires mais les comportements parfois imprévisibles, ce qui les rend extrêmement crédibles. Et même si le style de ce dernier ouvrage m’a semblé proche du thriller (au sens strict de « to thrill » : faire frémir) en nous tenant en haleine, il est à noter qu’il n’est absolument pas manichéen et à mille lieues d’un ouvrage de gare plein de clichés.

Je souhaite d’ailleurs me pencher sur les deux figures féminines principales du roman que j’ai trouvées remarquables par l’ambition qu’elles donnent au récit mais aussi l’ambiguïté qu’elles lui insufflent.

Fière, sauvage, indépendante, Lia reste sans doute ma préférée, en particulier grâce aux passages de Red Roots où elle exprimait ses sentiments les plus noirs et ses blessures à travers sa musique. Pour diverses raisons, elle se fera plus rare dans ce tome, ce que je n’ai pas regretté car la rareté de ses apparitions confére une grande puissance émotionnelle et symbolique aux passages la mettant en scène.

Cependant c’est bien la charismatique et volontaire Marie la protagoniste principale de ce 3ème tome.

Enfant de l’interminable guerre du Liban entre 1975 et 1990, elle habite implicitement le livre dès les premiers chapitres pour se retrouver ensuite au cœur de la narration, incarnant une magistrale figure d’amante éperdue et vengeresse qui ne peut que provoquer l’empathie du lecteur. Pugnace jusqu’à un très émouvant dernier chapitre, elle sera, tout comme John ou Zafer d’ailleurs, en proie aux « sombres désirs » évoqués par le titre du roman et sa couverture. Celle-ci annonce d’ailleurs bien la couleur au lecteur qui ne sera pas ménagé par ce roman.

En effet, l’œuvre est belle mais très noire. Si les tomes précédents méritaient l’appellation de romans Metal par leur contexte, ce dernier m’a semblé prendre du recul et s’écarter suffisamment de l’aspect purement musical pour affirmer la trilogie en tant « qu’œuvre Metal » au sens large. On y retrouve en effet la même dualité que dans le métal extrême, à savoir un fragile équilibre entre une obsession pour la violence (et in fine pour la mort) et l’énergie vitale (par défaut positive) que dégagent ses personnages tous profondément humains et empreints de sentiments contradictoires, qu’il s’agisse d’un ambitieux guitariste, d’un discret ecclésiastique ou d’un chef mafieux au parcours hors du commun.

Personnellement très amateur de musiques extrêmes, j’ai trouvé une véritable résonnance entre ce que j’apprécie dans ce style de musique et ce roman, alternance entre noirceur et lumière qui se mettent en valeur l’une et l’autre par le contraste qu’elles induisent.

Non content de remplir parfaitement le contrat de clôturer cette trilogie ambitieuse autour de l’univers Metal, ce « Dark Desires », centré sur des personnages complexes passionnés et profondément humains, le fait avec puissance et panache grâce à une construction maîtrisée et une montée en puissance progressive jusqu’à ses chapitres finaux tout simplement poignants, dignes d’une tragédie grecque.

Infos complémentaires : site de l’auteur www.saadjones.com et pour commander les livres de Saad JONES : https://edt-flammes-noires.com/

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