Dodecahedron par OUTLAND HILL (Synthwave et Black Metal)

Chronique et interview par François KÄRLEK

1 an après de la sortie de l’album « The Forgotten Legacy », Septev et Erroiak, comparses au sein de HRAD, nous reviennent avec leur nouveau projet, OUTLAND HILL, qui va quasiment débarquer au pied de nos sapins le 22 décembre 2023.

Là où HRAD proposait un univers épique et médiéval évoquant dragons, châteaux et paysans édentés en mélangeant les styles Dungeon Synth et Black Metal, Outland Hill nous prend par surprise avec son univers rétro de séries B surfant sur la nostalgie des années 80 auquel sont incorporés les éléments extrêmes chers à ses géniteurs. Alors lâche ton Amiga, enfile to Levi’s moulant, ton t-shirt Waikiki rose fluo et surtout n’oublie pas ton walkman, car on va se faire un tour en skate en écoutant du son cool !

On est en effet plongés dans l’ambiance dès les premières notes de Plasmic Geometry : synthés planants, mélodies aigües et spatiales évoquant des artistes comme Carpenter Brut ou Kavinsky. Je conseille à ce titre de parcourir les visuels du livret lors de la découverte de l’album (en particulier cette pochette bleue et rose totalement dans le trip).

Mais ne nous y méprenons pas, au bout de 2min à peine débarque le chant déchirant d’Erroiak, si caractéristique, amorçant l’hybridation des styles, le Black Metal s’immisçant et posant ses jalons lorsque la batterie s’enflamme sur un superbe passage combinant nappes de synthé, blast beat et guitares en trémolo. Difficile de rester de marbre tant l’ensemble est efficace et prenant et pourtant ce n’est que le début !

Construit comme un concept album autour d’une histoire SF me faisant penser à du Stephen King bien vintage (un dodécaèdre inter-dimensionnel essaye d’asservir l’humanité en commençant par le bled dénommé Outland Hill), Dodecahedron ne ménage pas ses effets en combinant à merveille sons extrêmes et mainstreams issus de 2 univers musicaux très différents et à l’identité forte. Certes le mélange de claviers et guitares pourrait faire penser à du Black Symphonique sur le principe mais la prod des synthés n’est vraiment pas du tout typée BM et les compositions, plutôt progressives, inscrivent l’album dans la modernité malgré ses sonorités délicieusement rétros.

Si le méchant de l’histoire a bien 12 faces, la musique proposée n’est pas loin d’en avoir autant, proposant moult hybridations et ambiances au fil de l’album. Chaque morceau a une identité forte avec des passages marquants, difficile de ne pas succomber aux arpèges épileptiques et entêtantes de « Tales of Outland Hill », à la rythmique imparable quasiment dancefloor de Metamind (cliquer pour découvrir le clip), au solos heavy old school qui parsèment les compos, à l’ambiance SF des passages parlés et accords fantomatiques du démarrage de Rain Splinters Town – Part 1. Beaucoup de variations et bonnes idées auxquelles ne sont pas étrangers les multiples invités de cet album (dont Cryo, fondateur du projet « Eminentia Tenebris » sur lequel Septev a réalisé les parties de batterie du dernier album).

Du haut de ses 30 trop courtes minutes, Outland Hill nous régale de ses ambiances des 80’s tout en nous abreuvant de passages effrénés typiques du meilleur des Black Metal. Non seulement la sauce prend mais elle s’offre le luxe d’être savoureuse !

Afin d’aborder toutes les facettes de cette excellente sortie, l’interview de Septev Hadron ci-dessous permettra d’en savoir plus l’album, sa genèse et son concept :

Bonjour Septev, Outland Hill présente un univers musical et visuel très cohérent dans un style années 80’s. Peux-tu nous expliquer la genèse du projet (tu m’avais évoqué la série Stranger Things comme un élément fondateur) et nous expliquer le concept de l’album ?
Salut ! Effectivement, je pense que le déclencheur de ce projet, c’est la série Stranger Things, que j’ai découverte très tardivement. J’ai adoré son univers visuel et sonore, et je me suis dit que ça pouvait être cool de retrouver ces sonorités typiques des années 80 (notamment grâce aux synthés type Yamaha DX7 où les Juno de chez Roland par ex) pour les mélanger à du Black Metal.
Au départ j’ai commencé à composer sans trop avoir d’idée exacte du concept, mais je voulais quelque chose de visuel, de cinématographique. J’ai commencé à imaginer un début, milieu, et fin d’histoire, en essayant d’exprimer ça au travers de la musique.
Entre temps j’avais contacté un ami anglais qui nous aide sur mon autre projet Hrad, pour corriger les paroles. Je lui ai proposé cette fois-ci de nous écrire un scénario et des paroles qui en découlent. Il a tout de suite bien saisi l’idée et les émotions transmises par la musique.
Il a imaginé un être inter-dimensionnel qui tenterait de rejoindre notre monde pour le détruire. Pour cela, il a besoin de forces qu’il gagne en absorbant les esprits et pensées des humains. Il s’empare des esprits des enfants qui vont faire le sale boulot et lui ramènent ensuite. Seulement c’est sans compter l’arrivée d’une jeune scientifique en ville qui va pouvoir contrer ses plans.
Je voulais vraiment quelque chose de complet. Un concept musical, visuel, et dans les paroles. Tout est cohérent et permet à l’auditeur de se plonger dans l’univers le temps de l’album.

Je pense que l’on ne s’improvise pas compositeur dans le style Synthwave du jour au lendemain. Aurais-tu un parcours dans le milieu Techno qui pourrait nous éclairer ? Quelles sont tes influences en termes de Synthwave ? En écoutes-tu régulièrement ?
C’est marrant que tu dises ça parce qu’effectivement, j’ai un passé un peu troublé ahah. Depuis l’adolescence, j’écoute du Black Metal et du Metal de manière générale, mais l’environnement dans lequel j’évoluais était plutôt Techno. J’ai fait de la Techno pendant pas mal d’années, et ça m’a permis d’avoir une maîtrise correcte de différents logiciels. Et je pense que ça a laissé des traces en termes de composition. Donc la synthwave est un peu le pont entre le milieu plutôt Metal et le milieu Techno.
Je ne suis pas un gros fan de Synthwave. J’ai souvent du mal à trouver mon bonheur. J’aime bien les grands noms comme Perturbator ou Carpenter Brut évidemment, mais après j’écoute plutôt des trucs comme Abstract Void par exemple, qui fait une sorte de blackgaze avec des grosses nappes synthwave. Très planant !
Donc, non je n’en écoute pas plus que ça honnêtement. J’écoute un peu de Darksynth, qui est le côté plus Indus de la Synthwave, il y a certains trucs qui me plaisent vraiment car ça apporte un côté très science-fiction comme musique. Mais on s’éloigne un peu du grain années 80…

Erroiak et toi avez aussi collaboré sur Hrad. Peut-on considérer Hrad (qui mêlait Dungeon Synth et Black Metal) et Outland Hill (qui mêle Synthwave et Black Metal) comme deux projets pérennes avec des sorties régulières ou allez-vous encore proposer un projet original avec un mélange de styles sur les années avenir ? Comment vois-tu l’avenir de Outland Hill ?
Erroiak est souvent partant pour faire des projets même les plus improbables comme Outland Hill, j’étais ravi quand il a accepté de participer. Il est parfait dans ce qu’il fait. Ça ne l’a pas dérangé de sortir de sa zone de confort et je l’en remercie pour ça car je me doute que dans le milieu Black ça ne plaît pas à tout le monde ce genre de mélange.
Pour l’instant, Hrad est mon projet principal. On a d’ailleurs repris le boulot dessus et on a commencé à composer quelques morceaux pour un prochain album. Pour Outland Hill, je ne sais pas du tout quel sera son avenir. Je marche beaucoup au feeling. Ce projet c’était une envie d’un moment. Si ça me reprend, j’espère qu’Erroiak me suivra à nouveau et on fera un autre album ! Donc j’attends d’abord la sortie avec impatience pour voir l’accueil que le public lui réservera. C’est la première fois que je m’occupe également de la partie visuelle, et j’y ai passé beaucoup de temps, donc j’espère qu’on parlera un petit peu de cet album. Ça sera ensuite en stand-by le temps de faire le prochain album de Hrad, et après on verra !
Quant à faire un autre projet dans un autre style, je ne me refuse rien. J’ai encore quelques trucs sous le coude qui traînent depuis plusieurs années. On verra ce que l’avenir nous dira.

Comment s’est fait le processus de composition entre Erroiak et toi ? Avez-vous déjà joué de la musique physiquement ensemble ?
Pour la composition, ça s’est fait comme pour Hrad. Je compose tout, tout seul dans mon coin. Je lui envoie les premiers jets et il me fait son retour. En général, il me dit que ça lui plait (rires), il est plutôt bon public avec moi. Ensuite, je lui envoie ses parties guitares à jouer, et je mixe ensuite le morceau.
Les paroles ont mis un petit peu de temps à arriver, il a donc enregistré les vocaux sur la fin du processus. Là-dessus, il est totalement libre de ses placements et voix. Je suis incapable d’envisager les vocaux sur un morceau…
On n’a jamais joué de la musique physiquement ensemble ! A chaque fois qu’on se voit, on picole et on se fait une bonne bouffe ahah. Moi je reste un musicien de studio, j’ai besoin de temps pour faire les choses.

Comment se sont mises en place les différentes collaborations d’invités (guitares lead et chant) sur cet album ?
Il était clair pour moi dès le départ que je voulais des invités sur cet album. J’en avais d’ailleurs parlé lors d’un repas avec Erroiak et son amie Maggot, lui demandant si elle voulait à nouveau intervenir sur nos morceaux (c’est elle qui fait les voix féminines sur le dernier album de Hrad également).
Pendant la création de cet album, j’ai aussi bossé sur l’album d’Eminentia Tenebris. Une bonne relation s’est créée avec Cryo (qui est derrière ce projet), et ça m’a semblé naturel de lui demander d’intervenir sur un des morceaux d’Outland Hill.
Sur le morceau Metamind, je voulais un solo. C’est en me rappelant qu’on parlait Synthwave et Metal il y a quelques années avec un collègue de travail que je me suis dit que je devais tenter de le contacter. Il se remettait doucement à la guitare, et avait l’air plutôt emballé par le morceau. Le résultat est au-dessus de mes espérances, son solo est tout simplement parfait et exécuté d’une main de maître. J’en suis fan !
Pour ce qui du dernier morceau de l’album, c’est la version synthwave du morceau qui le précède. Mais je ne voulais pas de quelque chose purement électronique. J’ai donc fait appel à la communauté synthwave sur facebook et j’ai pu rencontrer Dave Lee qui a admirablement composé les guitares sur le morceau.

Le morceau Metamind est celui qui m’a le plus séduit par son approche totalement décomplexée du style Synthwave sans aucun élément Black-Metal. T’es-tu freiné pour ne proposer qu’un seul morceau dans cette veine ?
Je ne me suis pas freiné, mais disons que je voulais quand même un album plus Black Metal que synthwave. Ce morceau est un peu comme un interlude que l’on retrouve dans de nombreux albums de black. C’est l’arrivée du Dodecahedron sur la ville d’Outland Hill prêt à semer la terreur. Je trouvais ça cohérent que le morceau soit Electro, et rappelant certaines BO de films. Il y a des clins d’œil dans ce morceau d’ailleurs, c’est aux auditeurs de les trouver !

Doit-on faire une croix sur l’absence de représentations live pour partager ta musique avec un public ? Dans l’affirmative n’as-tu aucune frustration à ne faire que des projets studios ?
Oui malheureusement il n’y aura jamais de live. On me pose la question également pour Hrad, et j’aurai la même réponse ici. Je n’ai pas le temps pour du live, ma vie est ainsi faite. C’est compliqué de trouver le temps de répéter, bouger les week-ends, tout en gardant un boulot, une vie de famille, de voir ses amis, et de continuer à composer. Je préfère privilégier le temps de composition et de travail du son.
Donc non, aucune frustration. Bien au contraire, j’adore passer des heures devant l’ordinateur à bidouiller les sons, ou à faire des visus. Et quand ça ne veut pas bah je laisse tomber et j’y reviens quand j’en ai envie. Ce qui n’est pas évident quand tu te retrouves avec ton groupe par ex.

Retrouvez Outland Hill sur https://www.facebook.com/OutlandHillBand

Et écoutez sur https://outlandhill.bandcamp.com/album/dodecahedron

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