RIGOR NOCTIS de Thomas PONTÉ

Chronique écrite par François KÄRLEK

Il y a les livres dont on attend beaucoup et qui déçoivent et il a ceux qu’on découvre par hasard et qui nous réjouissent. Vous comprendrez vite dans quelle catégorie je place « Rigor Noctis », de Thomas Ponté, sorti en 2021 chez Astrobelarra.

4ème de couverture : «Que faire quand on a monté un groupe de black metal avec ses copains, en nourrissant l’espoir de devenir des pointures du genre, mais qu’on est incapable d’être à la hauteur de ses ambitions ? Prier ? Certainement pas ! Alors on continue à ramer en y croyant fermement, on attend que quelque chose se passe. Et, coup de main de la providence, on fait une rencontre inespérée ; celle qui arrive à point nommé et qui va tout changer. Mais attention, la lumière au bout du tunnel pourrait bien prendre sa source au cœur des pires abîmes. Car il est des alliances que l’on scelle… sans en mesurer les conséquences…»

Disons-le tout de suite, le milieu du black métal est un simple contexte et la musique n’est en aucun cas le sujet principal de ce roman, même si les amateurs apprécieront les références à Mayhem (dont la couverture du livre, évidemment), Burzum et Immortal avec un très bon passage m’évoquant leur clip kitschissime où ils courent dans la neige.

J’ai donc découvert ce roman sans savoir où il allait m’emmener, passant de la satire sociale au roman policier noir, très noir, voire gore ou fantastique (ou pas ! vous verrez bien), le tout sur fond de chronique du mal-être des oubliés du système, des « seconds couteaux » de la société, dans un contexte géographique imprécis qui évoquera le pire bled de campagne d’un département oublié.

Ne pouvant pas m’attarder sur l’histoire sans vous divulgâcher le bouquin (ah que j’aime ce néologisme), je me contenterai de dire que le quotidien des trois mousquetaires d’un groupe de black métal pas franchement abouti (avec quelques compos approximatives et pas encore de nom…), va se retrouver chamboulé par l’arrivée de Nik, un d’Artagnan légèrement sulfureux qui va leur donner un nouveau souffle (ou pas ! vous verrez bien là encore).

Le roman est essentiellement basé sur des dialogues et pensées des personnages, avec un ton parfois très cru, mais des expressions et métaphores franchement géniales qui mériteraient d’en faire un florilège d’expressions bien fleuries. J’en cite une tout public : « Le soleil s’est vautré derrière les collines comme un œuf au plat qui aurait foiré sa réception dans la poêle ».

On y croise aussi de bien belles théories comme celle que les bassistes de métal sont obligés de se tortiller et d’en faire des tonnes parce qu’on ne les entend jamais en live.

C’est inventif, drôle, alternant une verve gouailleuse très moderne et des passages un peu surannés dans l’esprit des meilleurs romans de gare à la San Antonio. J’ai parcouru le livre principalement dans les transports en commun, avec le sourire en coin de celui qui se marre intérieurement.

Car l’essentiel se déroule dans l’esprit et les dialogues quotidiens d’une belle brochette de loosers, donc aucun ne respire l’intelligence ni la grandeur d’âme. Du bassiste carrément neuneu au légiste graveleux, de l’agent municipal mythomane à l’ex-prostituée devenue bonne-sœur, la galerie de portrait est croustillante, avec en figure de proue de cette galerie de personnages croquignolesques le Père Bergoule, curé volontairement outrancier et scandaleux que l’on adorera détester.

Plongé dans un univers glauque totalement assumé et réjouissant, le lecteur est bringuebalé par ce récit protéiforme jusqu’au dénouement, dantesque, dont je tairai le moindre détail.

Ce roman ne vise pas le prix Goncourt, vous l’aurez compris, mais atteint parfaitement ce que je suppose être l’objectif de l’auteur, à savoir le plaisir de lecture avant toute considération dite « sérieuse ».

Derrière une apparente facilité, je pense que Monsieur Ponté, tel le guitariste peaufinant pendant des heures un solo qui sonnera au final très naturel et spontané, a dû sacrément travailler son style et la structure de son bouquin pour rendre cette épopée improbable à la fois limpide et diablement rythmée !

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