L’Apocalypse selon ERROIAK

Interview réalisée par François KÄRLEK

Très actif sur la scène Black Metal française par ses nombreux projets, Erroiak vient de sortir son premier album intégralement en solo.

Celui-ci, intitulé « Apokalipsia », sorti sur Asgard Hass le 31 Mars 2023, présente un Black Metal à la fois moderne par ses sonorités et respectueux de ses racines par ses compos, à savoir 6 morceaux de 5 à 7min et 3 pistes instrumentales. On vous propose de laisser son géniteur nous le présenter, il le fera mieux que nous.

Comment présenterais-tu cet album et le style pratiqué à quelqu’un qui ne t’aurait jamais écouté ?

Le projet Erroiak pratique du Black Metal, que je décrirais essentiellement comme mélodique. J’évite les lenteurs et répétitions dans mon riffing et mes compos, ce qui fait qu’il serait maladroit de le classer comme atmosphérique, je vois quasiment mes morceaux comme des « chansons », variées et dynamiques.

Quel morceau conseillerais-tu d’écouter en premier pour entrer dans cet album ?

Le morceau « Apocalypse » me semble très représentatif, il aborde le thème central de l’album et regroupe mes principales inspirations, en particulier la scène Black Metal mélodique Finlandaise : Satanic Warmaster, Horna, Sargeist.

Tu es un excellent pianiste en plus d’être guitariste et chanteur, comment s’est fait le processus de composition de Apokalipsia entre guitares et piano ? Comment as-tu procédé pour la batterie ?

En termes d’inspiration, j’ai plusieurs façons de faire :

Soit je pianote sur un de mes 2 pianos (un dans le bureau, l’autre dans la salle à manger) et trouve une suite d’accords qui me séduit, les morceaux Monarque et Après la Nuit ont été écrits comme cela et ont des ambiances assez proches d’ailleurs.

Soit je grattouille sur ma guitare dans mon canapé, comme cela a été le cas pour les morceaux « Apocalypse » et « Dark Passenger » que j’ai écrits en acoustique avant de passer à la distorsion.

Quand j’ai des idées solides je les pose tout de suite sur le logiciel Guitar Pro pour ne pas les oublier. Je mets vite en place une batterie programmée avec ce logiciel pour donner corps à mes morceaux.

Ton chant est très reconnaissable, puissant et hargneux, comment as-tu développé ta technique, as-tu suivi des « cours » pour acquérir tes « techniques » ?

Je pratique le chant depuis déjà 6 ans environ.

Au départ, j’ai commencé par faire des reprises uniquement instrumentales sur ma chaîne Youtube, mais quand j’ai abordé une cover d’un morceau de Evol (groupe Italien culte des années 90), je me suis spontanément dit que j’essaierais bien de « gueuler » les paroles. J’ai mixé ça ensuite et j’ai trouvé que ça sonnait bien.

Je l’ai fait ensuite à chaque fois et j’ai pris l’habitude et pratiqué en autodidacte, en regardant quelques tutos pour rigoler dont je n’ai pas vraiment tiré grand-chose.

Il n’en reste pas moins que chanter en live comme je l’ai fait avec Foghorn pour des concerts et surtout des répètes (qui sont plus longues et physiques) était un défi qui impliquait d’éviter la bière, les boissons sucrées ou encore la clope avant de chanter.

J’ai aussi participé à de nombreuses reprises avec Guigs de la Foxinière souvent physiques pour moi car j’enregistrais en une seule prise avec des débits de paroles très denses comme on en trouve sur des originaux de Cradle of Filth ou Anorexia Nervosa.

Ce qui est ironique, c’est que le chant est LE truc que je n’ai jamais travaillé et pour lequel on me sollicite le plus en tant qu’invité avec des groupes. C’est limite frustrant si je regarde mes années de travail au piano (rire).

Quels sont les thèmes abordés dans cet album ?

L’album est traversé par un concept dans lequel tout s’imbrique.

Un instrumental en ouverture.

Les trois premiers « vrais » morceaux évoquent les travers de l’être humain (qui pollue, détruit, s’entretue).

L’instrumental « Ekaitzaren aurreko lasaitasuna » qui signifie « le calme avant la tempête » clôt ce premier acte.

« Apocalypse » ouvre un 2ème triptyque et constitue l’apogée de l’album en abordant la terre en colère et la mort de l’homme. Suivront « Après la Nuit » et « Renaissance d’Hiver » qui abordent le thème des survivants qui reconstruisent le monde mais repartent dans leur travers.

Et l’album s’achève par un instrumental.

J’ai cru comprendre que des textes sont de Ode-Lune Poésie et d’autres auteurs, peux-tu nous en dire plus sur cette collaboration ?

Les textes ont effectivement plusieurs auteurs. Dark Passenger est la seule qui a été écrite par moi, pour ceux qui connaissent cette série, c’est une allusion à Dexter, dont le « Dark Passenger » est la part sombre de l’âme. Ce morceau collait bien au thème de début d’album et le texte est une compilation d’extraits de pensées issues de cette série que j’adore.

Pour les collaborations, j’ai croisé sur un groupe Facebook un gars qui se faisait appeler « Visage Neige Visage Glace ». Il avait écrit un texte qu’il avait proposé à tous pour voir si quelqu’un voulait en faire quelque chose. Je l’ai adopté et il m’a vite inspiré « Renaissance d’hiver » dans la foulée. C’est important à double titre car cela marque en 2019 la composition du 1er morceau de l’album (4 ans avant sa sortie) mais aussi parce que c’est Visage Neige Visage Glace qui m’a ensuite mis en relation avec Ode-Lune.

Ode-Lune est une autrice de poèmes qui cherchait à collaborer avec des groupes de Black Metal et dont j’ai tout de suite adoré ce qu’elle écrit sur la forme, tout en rimes et alexandrins, comme sur le fond. Ces textes superbes apparaissent dans « Apocalypse » « Monarque » et « La Nuit moins noire que l’homme ». Je lui passerai clairement commande pour de prochains morceaux !

Et pour finir sur les collaborations Thy Nema, un ami proche, écrit aussi des textes. L’un d’eux est sur le morceau « Le Silence des héros » qui est paru sur le split Semita Gloriae avec le groupe indien Krayl. Un autre est le texte de « Après la Nuit » qui figure donc sur « Apokalipsia »,

A part The Dark Passenger, tous les morceaux sauf les instrumentaux sont en français, est-ce plus aisé d’utiliser ta langue natale ? Est-ce une volonté de porter un message plus intense et compréhensible ? Comment cales-tu ton chant sur la musique ?

Je joue la musique que j’aimerais écouter et le chant français est ce que j’aime entendre, je préfère le Black Metal en français que je trouve plus fluide et agréable à écouter même si c’est plus exigeant à chanter. Cependant j’adore aussi occasionnellement chanter dans d’autres langues, j’ai vraiment trippé le chant en Suédois pour une reprise de Finntroll et en Japonais pour mon groupe Enterré Vivant.

Pour le calage, c’est au feeling avec quasiment un one shot pour poser les paroles, quand le texte est bon, c’est très agréable et fluide à faire.

Tu as déjà réalisé et continues de faire des reprises régulièrement, parmi les groupes que tu as repris quels sont ceux dont tu penses que l’influence se ressent dans ta musique ?

Mylène Farmer, évidemment ! (rires)

Carrément ! c’est une reprise qui a marqué les esprits et la première que j’ai entendue de toi.

Je l’ai faite à la demande d’une amie, mais elle n’est en aucun cas parodique, je suis resté respectueux de l’original. Cependant les émotions de ma musique me semblent plutôt provenir de groupes comme les québécois de Forteresse (album « Thème pour la rébellion »). La Nuit moins noire que l’homme a été par exemple composée « à leur façon ».

Es-tu content des retours sur Apokalispia depuis sa sortie ?

Cela peut paraître égoïste mais je fais en premier la musique pour moi, Erroiak est donc en totale adéquation avec ce que j’ai envie d’écouter en tant qu’auditeur. J’assume à 100% de le formuler comme cela car quand tu dois jouer, enregistrer, réécouter, etc… ce n’est possible que si tu aimes vraiment à fond ce que tu produis.

Mais je ne suis pas un misanthrope solitaire et j’adore quand je diffuse mes morceaux le fait que ça puisse tomber sur une personne à qui ça plaît, que cela touche. J’ai eu des retours très positifs sur l’album et surtout sur le morceau Apocalypse. J’aime quand on me dit que ma musique donne des frissons/émotions car c’est le but et je joue dans Erroiak les morceaux comme des chansons, j’évite les dissonances à outrance ou structures trop alambiquées par exemple. Mon but est que ce soit accrocheur et addictif.

Je suis aussi sensible aux retour des gens que je sollicite, en particulier les professionnels en mixage, mastering, qui ont des avis plus objectifs que les potes qui vont de toute façon « tout aimer » (rire).

Je reste en tout cas impatient des prochaines chroniques, pour avoir des avis objectifs et argumentés.

Tu participes à de très nombreux autres projets, peux-tu nous les présenter ? 

Il y en a pas mal, c’est parti ! Donc en plus de Erroiak en solo, je participe à :

Enterré Vivant, avec Sakrifiss au chant et textes, j’aime le défi que représente une composition répondant aux attentes de mon acolyte, nous avons un 2ème album à venir, composé de 4 morceaux de 13 à 17 min.

Hrad, qui associe Dungeon Synth et Black Metal, Septev compose et je chante. On a un projet en démarrage : Outland Hill, avec la même répartition des tâches ambiance Synthwave

Lethifère, dans lequel je suis au chant, recruté par Bertrand qui est aussi derrière le projet Aeterna Tenebrae que j’aime particulièrement.    

Oppressive Light, au chant là aussi, j’ai participé à une réédition, remastering d’un ancien album et on travaille sur celui à venir.

Khald Helvete, groupe que j’apprécie à fond, découvert grâce à « l’Antre des damnés », j’ai halluciné quand Aldric ma contacté pour assurer la basse car j’étais fan avant d’en faire partie.

Suicidal Madness, auquel je participe à mes premières amours au piano.

J’ai aussi mon projet de Dungeon synth Udazken. Un jour, Midgard, ex de Khald Helvete, qui ne fait que du Dungeon Synth m’a contacté pour un split. Ma première réaction a été « Mais je n’en fais pas ! ? » mais qu’à cela ne tienne j’ai composé et enregistré quelques morceaux juste après et c’était parti avec assez vite un album complet.

Je tenais aussi à saluer Max Nyghlfar de Nuit Macabre, qui m’a lancé sur les participations et a été le premier à me faire confiance en guest piano, basse etc…

Comment fais-tu le tri entre tes idées pour Erroiak en solo les autres groupes pour lesquels tu composes ?

A l’époque d’Enterré Vivant, j’avais des morceaux composés sans identifier si c’était pour Enterré vivant ou Erroiak. Mais désormais le tri est plus simple car Sakrifiss a des idées précises pour Enterré Vivant ce qui fait que je compose dans un cadre donné, j’apprécie d’ailleurs beaucoup l’exercice.

Erroiak va donc se focaliser sur mes idées personnelles et spontanées avec un album à suivre à n’en pas douter !

Suis-tu les sorties musicales récentes ? Des albums t’ont-ils profondément marqué ces dernières années ?

Oui, j’écoute énormément de musique et suit ce qui sort, voilà mes gros coups de cœur (note : il montre les albums de sa collection) :

Grà, Vasen / Severoth, Vsesvit / Satanic Warmaster, Aamongandr / Nokturnal Mortum, to Lunar Poetry (réenregistrement avec leur son actuel) / Vertiges, aux Solitaires / Brouillard, (dernier album) / Hanternoz, Au Fleuve de Loire / Le prochain Hiver, Talvi / Ars Goecia, Rex Mundi

Merci Erroiak pour ce temps d’échange

Vous pouvez commander Apokalipsia via https://erroiak.bandcamp.com/album/apokalipsia

Et un petit extrait de l’album https://youtu.be/oS-eywdVcc8

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