
Par le Funeral Scribe
Parution, label & line-up
Date de sortie : 12 septembre 2025 (Season of Mist)
Musiciens :
Nikita Kamprad (Allemagne) – chant, guitares, claviers
Nicolas Rausch (Allemagne) – guitare
Alan Noruspur (Norvège) – basse
Tobias Schuler (Allemagne) – batterie
« Innern est une descente initiatique : non pas vers l’enfer d’autrui, mais vers le gouffre intérieur que chacun redoute d’explorer. »

Les premières notes s’élèvent comme un souffle glacé dans une cathédrale vide. Elles n’appartiennent pas à un lieu terrestre, mais résonnent dans l’espace obscur de l’âme : ce gouffre où chaque homme finit par se confronter à lui-même. Innern n’est pas un disque que l’on écoute. C’est un miroir que l’on redoute, une plongée volontaire dans les abysses de la conscience.
Der Weg einer Freiheit, fidèles à leur quête de transcendance, tendent ici une main vers l’auditeur non pour le guider, mais pour l’entraîner plus bas, vers un royaume sans balises. Dès l’ouverture, les guitares s’étirent en lignes mélodiques oscillant entre mélancolie et furie, portées par une batterie qui se fait tour à tour raz-de-marée ou battement cardiaque en sursis. On y retrouve cette science de l’alternance qui fait la force du groupe : la brutalité d’un black metal abrasif, immédiatement suivie par l’éclair fragile d’un arpège transperçant la nuit.
Chaque morceau agit comme un seuil. Le second titre, véritable déluge, emporte dans ses blasts une intensité qui frôle l’apnée. Mais derrière cette tempête, les mélodies – toujours claires, toujours poignantes – rappellent que la douleur n’existe que parce qu’il y eut un jour lumière. L’art de Der Weg einer Freiheit tient dans cette tension : l’inexorable chute et l’éternel rappel du ciel perdu.
À mi-parcours, l’album dévoile ses respirations, ces instants suspendus où le silence devient plus lourd que le tumulte. Les voix, tantôt hurlées comme un cri au fond d’un gouffre, tantôt murmurées comme un écho spectral, incarnent le double visage de l’âme humaine : la révolte et la confession. Ici, le chant ne raconte pas, il consume.
Musicalement, Innern synthétise tout ce que le groupe a façonné depuis ses origines : la rugosité glaçante de Stellar, la profondeur tragique de Finisterre, mais avec une maturité nouvelle, plus dépouillée, plus viscérale. Chaque note semble pesée, non pour séduire, mais pour révéler une vérité nue, insoutenable : au centre de soi, il n’y a ni victoire ni apaisement, seulement l’acceptation d’un gouffre.

Lorsque résonnent les dernières minutes, l’impression est celle d’un retour… mais non vers la lumière. Plutôt un silence qui avale, un vide qui demeure après que la tempête s’est éteinte. Comme si l’album ne s’achevait pas, mais se dissolvait dans celui qui l’écoute.
Ainsi se referme Innern : non comme une œuvre à admirer de l’extérieur, mais comme une expérience initiatique, un rituel noir qui déshabille l’âme. C’est un disque qui ne pardonne pas. Mais pour celui qui ose s’y perdre, il laisse en héritage une vérité brûlante : parfois, le chemin le plus difficile est celui qui mène vers soi.
