GROBSCHNITT – Rockpommel’s Land (1977)

Chronique de Nicolas Ulv Schweitzer

Rockpommel’s Land c’est d’abord une jolie pochette qui met en évidence les deux principaux protagonistes de cet album conceptuel : un jeune garçon rêveur nommé Ernie parcourant des univers étranges sur le dos d’un grand oiseau nommé Marabout.

La galette débute avec « Ernie’s Reise ». De doux arpèges de guitare, d’excellents vocaux volontiers théâtraux, puis des claviers souvent mélancoliques, parfois entraînants.

On enchaîne avec « Severity Town » qui demeure pour moi le meilleur morceau d’un album qui frôle la perfection. Ces claviers en ouverture qui rappellent les douces mélodies que l’on met aux nourrissons pour s’endormir, sont suivis d’une partie davantage mélancolique, devenant carrément menaçante au fur et à mesure que samples, cris et synthés retranscrivent l’ambiance inquiétante decette cité où le rire est interdit…  avant de renouer avec un final et un dénouement plus joyeux.

S’ensuit un troisième titre beaucoup plus court que les deux précédents (qui atteignent plus de 10 minutes chacun !), folk et mélancolique, délicatement atmosphérique, où il est question de solitude. Le chant de Wildschwein, excellent sur l’ensemble de l’album, se fait particulièrement touchant.

L’ensemble de l’œuvre contient son lot de mélodies enfantines, pour ne pas dire totalement kitchs et délirantes, et s’achève par le morceau qui donne son titre à l’album. 

Plus de vingt minutes de grand art où les claviers répondent volontiers aux guitares et où l’opéra-rock-progressif du groupe fait l’inventaire de tout un tas de créatures imaginaires (ne lésinant par sur des bruitages improbables, à 8 minutes 55 par exemple, il faut tout de même oser !). Ainsi s’achèvent les aventures du jeune garçon !

Le style atypique de Rockpommel’s Land, un rock progressif (un genre en perte de vitesse en cette année 1977 qui voit le punk exploser), mais qui lorgne volontiers du côté symphonique ou folk, avec sa naïveté enfantine et ses samples étranges, lui vaudra de passer sous les radars et de ne pas dépasser le succès d’estime à l’époque.

Pourtant, depuis bientôt un demi-siècle, on le retrouve régulièrement salué et « réhabilité » tant il y a du génie là-dedans. Une nostalgie touchante de l’enfance qui n’est pas sans rappeler les inoubliables premiers travaux de Marillion. Et des explorations musicales et conceptuelles qui peuvent par moment rappeler Genesis ou Yes. 

Rockpommel’s Land de Grobschnitt, album onirique cher à mon cœur, offre quelque chose de rare : Pouvoir écouter de la musique élaborée tout en sollicitant l’enfant rêveur tapi en chacun de nous. Et d’oublier, pour un temps au moins, à quel point la vie d’adulte nous baise.


Extrait Severity Town:

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