Chronique de Nicolas Ulv Schweitzer

Que n’a-t-on pas dit sur Tintin et sur son créateur… Pourtant, balayer d’un revers de la main l’œuvre d’Hergé serait un grand tort. Car avec « Le Lotus Bleu », l’auteur atteint enfin sa maturité (loin, tellement loin du braconnier sanguinaire de « Tintin au Congo », qui respirait le colonialisme et les préjugés les plus abjects !).
« Le Lotus Bleu » constitue la suite indirecte du déjà très bon « Les cigares du pharaon », qui laissait entrevoir pour la première fois des ambiances sombres et anxiogènes qui vont se poursuivre dans ce volume.
En effet, le héros à la houpette quitte l’Inde et se retrouve cette fois-ci en Chine face à des trafiquants d’opium sans scrupules.
Un scénario somme toute assez classique, mais très bien ficelé où Tintin va faire face à divers attentats et trahisons.
Sûr de sa solitude, il va pourtant faire une rencontre décisive en sauvant un jeune chinois de la noyade dans le Yang Tsé-Kiang : Tchang.
Une rencontre décisive et une collusion entre fiction et réalité : Tchang Tchong-jen existe et aide Hergé à élaborer « Le Lotus Bleu ».
Une des richesses de l’album est d’ailleurs cet aspect géopolitique en toile de fond, car la Chine, à l’époque, souffre en effet de l’impérialisme japonais et la bande dessinée est remplie d’idéogrammes engagés le dénonçant.
Hergé, annonçant la guerre Sino-japonaise à venir, semble également s’amuser des clichés sur le « péril jaune » qui circulent alors : Il dresse dans l’album un portrait sévère des occidentaux bien portants aux préjugés racistes.
Autre point fort, l’émotion, qui est palpable tout le long du récit. On voit pour la première fois le héros verser une larme… ce qui ne se reproduira que 15 albums plus tard, dans le fabuleux « Tintin au Tibet » quand il partira à la recherche d’un certain Tchang dont l’avion s’est crashé dans l’Himalaya…
Graphiquement superbe, ce volume marque donc les débuts du Tintin documenté et humaniste.
