Imperial Triumphant – Goldstar (2025, Century Media Records)

Chronique écrite par Funeral Scribe

Musiciens :
Zachary Ilya Ezrin – guitare, voix
Steve Blanco – basse
Tomas Haake – batterie
Dave Lombardo – batterie (sur certains titres)
Yoshiko Ohara – voix (sur « NEWYORKCITY »)

« Dans les entrailles de la ville, même les lumières dorées finissent par se ternir. »

Sous la bannière de Century Media Records, Imperial Triumphant livre avec Goldstar un effondrement somptueux, une ode à la décadence dissimulée sous les dorures étouffantes de New York. Ce nouvel album tend un miroir déformant à une société ivre de sa propre grandeur, oscillant entre faste et déliquescence. L’œuvre se présente comme une exploration des contradictions de la métropole, où la brillance de l’opulence se heurte violemment à l’effritement du système, et où le luxe devient un masque pour une douleur invisible.

Dès les premières secondes de « Eye of Mars », le vertige s’installe. Les cuivres grincent comme des gratte-ciels ployant sous leur propre poids ; la batterie, déconstruite, martèle un rythme vacillant, comme si les fondations du monde se fissuraient sous nos pieds. Le jazz, poison élégant qui irrigue les veines du trio, imprègne chaque titre d’une liberté sauvage, d’une énergie incontrolable et d’un chaos toujours sous contrôle. La basse de Steve Blanco, vive et sinueuse, semble parfois improviser au bord du chaos, frôlant l’implosion à chaque mesure. La fusion des genres se fait ici dans un tourbillon d’influences où le métal extrême rencontre le jazz avant-gardiste, et le tout se teinte d’une profonde désillusion urbaine.

Imperial Triumphant ne compose pas simplement des morceaux ; ils bâtissent des labyrinthes sonores. Chaque composition est une exploration dense et labyrinthique d’une cité en ruine, d’une modernité où l’effondrement est aussi inévitable que fascinant. Sur « Lexington Delirium », Tomas Haake, batteur de la légendaire formation Meshuggah, apporte sa voix caverneuse et son sens unique du rythme, insufflant à la piste une tension sourde, un sentiment d’immensité dissonante qui s’étend sur plusieurs dimensions. La production, tout en étant dense, permet à chaque instrument de respirer, créant ainsi un effet de profondeur quasi cinématographique. L’influence de Haake se fait ressentir dans la manière dont les percussions semblent défier les lois de la gravité, renforçant l’angoisse qu’inspire la composition.

Plus loin, « Pleasuredome » voit l’arrivée de Dave Lombardo, ex-batteur de Slayer, dont la frappe tribale amplifie encore la frénésie ambiante. Le groove tribalisé de Lombardo sert ici de catalyseur à la frénésie des guitares, tandis que les cuivres déformés et les textures industrielles plongent l’auditeur dans un état de transe angoissée. La présence de ces deux figures majeures, Haake et Lombardo, n’altère jamais l’identité propre de l’album ; au contraire, leur influence s’intègre avec fluidité dans le chaos maîtrisé de Goldstar, enrichissant l’expérience sans jamais la diluer.

Entre ces fresques monumentales, de courtes pièces comme « NEWYORKCITY » ou « Goldstar » offrent des respirations angoissées. Sur « NEWYORKCITY », la chanteuse Yoshiko Ohara (Bloody Panda) prête sa voix spectrale à une errance urbaine hallucinée, donnant vie à une ville qui semble aussi morte que survoltée. La voix d’Ohara, éthérée et fantomatique, flotte au-dessus des instruments comme une présence spectrale, l’incarnation de la ville elle-même, dévastée mais toujours en mouvement. Chaque mot, chaque inflexion de sa voix semble résonner dans les ruelles de béton de la métropole, comme une mise en garde contre la décadence qui s’y cache sous le vernis de l’innovation et de la réussite.

Enfin, « Industry of Misery » referme l’album dans un crépuscule sonore où les dissonances s’effondrent comme des immeubles frappés par la foudre. Les textures industrielles, qui avaient été discrètement plantées tout au long de l’album, prennent ici leur apogée. La rythmique s’éteint lentement, laissant derrière elle un silence lourd, presque palpable, comme un monde en suspens avant la chute finale. La fin de l’album n’est pas un véritable dénouement, mais un effacement, une dissolution du son dans l’obscurité.

Goldstar n’est pas un disque à écouter distraitement. Il exige une immersion totale, une descente sans retenue dans ses couloirs d’or terni et de béton suintant. Chaque écoute révèle une nouvelle couche, une nouvelle facette de la ville déchue que dépeint l’album. C’est une œuvre totale, où le faste et la ruine s’entrelacent jusqu’à l’extase — un testament sonore pour un monde qui se consume en dansant.

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