Chronique écrite par Nicolas Ulv SCHWEITZER

Imaginez-vous partir pour une longue balade. Rapidement les sentiers se font escarpés et sinueux. La météo est changeante. Le soleil a disparu dans la brume. Un fort vent souffle dans vos oreilles, accompagné de violentes pluies. Dans cette situation, certains friseront la crise de nerfs. D’autres savoureront ces longs moments tantôt agités, tantôt calmes et obscurs. Ils s’accoutumeront de chaque revirement en acceptant de perdre le contrôle. De se perdre tout court…
« Heart of the ages » fait partie de ces albums géniaux oubliés, adulés dans l’ombre par un nombre restreint de personnes. Un côté confidentiel qui ajoute au plaisir de l’auditeur qui se sent ainsi privilégié.
La galette comporte encore quelques traces de black metal, mais le groupe semble bien décidé à emmener sa musique vers d’autres sphères.

On commence par un gros morceau de douze minutes, Yearning the Seeds of a New Dimension. Introduction cosmique au clavier, nappes atmosphériques, et chant clair ensorcelant de Ovl. Svithjod. Puis sans prévenir, un hurlement venu des entrailles de la forêt annonce une tournure beaucoup plus agressive, avec un riffing simple mais toujours efficace de la part de Christian Botteri. Un voyage aux frontières du réel et de l’onirisme, avec ces nappes de synthés, cette atmosphère éthérée (ce sera le cas jusqu’à la fin !). Ce premier titre est une tuerie !
« Heart of the ages » poursuit sur la lancée du premier morceau avec un final à la guitare acoustique et des samples immersifs. Si le black metal est toujours là en arrière-plan, la musique d’IN THE WOODS… transpire par bien des côtés le rock progressif des années 1970 et annonce son évolution future.

On repart sur du chant hurlé avec un troisième acte en trois parties dans la droite ligne de tout ce qui précède, et une accélération notable du tempo par moment. On y prête immédiatement attention car bien souvent le rythme de l’album s’apparente beaucoup au doom, sans que le côté pachydermique soit ici poussé à l’extrême.
L’excursion se poursuit avec les douces compositions de « Mourning the death of Aase » et son chant féminin, ou encore la magnifique instrumentale « Pigeon ». La poésie pure.
Pour les compositions plus énervées, on trouvera « Wotan’s Return », superbe fresque guerrière d’un quart d’heure avec, là encore, certains passages assez rapides par rapport au reste de l’album mais aussi une petite partie ambiante. Et que dire de ces délicates notes de claviers en fin de morceau, ainsi que ces vocaux inhumains qui vous hanteront à coup sûr pour un certain temps.

« The Divinity of Wisdom » clôt joliment cette petite heure de magie. Le chant clair masculin se couple à celui d’une femme avant que des hurlements se manifestent à nouveau en arrière-plan.
Un mot sur la production parfaite pour le style, ni trop propre, ni trop sale. Elle ne manque guère de puissance et passe bien l’épreuve du temps.
Ecouter « Heart of the Ages », c’est accepter de se frayer un chemin dans un environnement changeant et insaisissable. Ne regardez pas en arrière, vous n’y verrez que l’obscurité s’étendre et les arbres vous barrer la route. Violent, presque terrifiant, mais aussi sensible, poétique, mélancolique et mystique, à l’instar de la nature. Ce premier effort des norvégiens est un enchantement.
Autre album recommandé : Omnio
