EX NIHILO de USQUAM

Chronique et interview de François Kärlek

Soyons honnête, je ne connaissais pas le premier EP de USQUAM, la découverte de l’album Ex Nihilo s’est donc bien faite à partir de rien en ce qui me concerne.

Les thèmes et textes étant abordés en détail dans l’interview qui suit, je vais essentiellement parler des aspects musicaux qui font de ce premier album une grande réussite (voilà qui est dit !)

Le style pratiqué sort largement du cadre du Black Metal, je le définirais comme du « Black Moderne Symphonique ». 

Black par la vitesse d’exécution et la brutalité, un morceau comme Egocide se rapprochant du Black sans concession que pratique Dark Funeral. Black aussi par le côté mélancolique, désespéré, voire apocalyptique des mélodies (Altar Ego, The Mast, Symbol) en parfaite cohérence avec les thématiques abordées.

Moderne par sa production, très fine et ample, massive mais précise. Il faut dire que Frederic Gervais aux manettes est ultra pointu en la matière comme en témoigne son travail remarquable avec de nombreux groupes : Misanthrope, Jours Pâles, Seeds Of Loss (courrez écouter leur album « Pale Sulphur » vraiment trop peu connu).

Moderne aussi par le chant porté par la vocaliste Jessy Christ qui varie entre saturé/clair/parlé. On m’a signalé dans l’oreillette que Jessy a coaché Adsagsona de Houle ce qui ne m’a pas surpris tant on retrouve chez USQUAM cette parfaite maîtrise de la technique et des intentions de ce que j’appellerais un « chant Black Metal au féminin à la française ».

En cela je trouve que Usquam, Houle ou encore Galibot sortent clairement leur épingle du jeu par leur proposition vocale puissante et agressive mais suffisamment variée et profonde pour ne pas fatiguer l’oreille, si on les compare à d’autres groupes de « black moderne » comme Gaerea dont le chant, à titre personnel, me gonfle sur un album entier (je ne vais peut-être pas me faire des potes, mais j’assume).

Enfin, symphonique par l’insertion omniprésente (et encore ils se sont bridés !) de synthés ajoutant des effets de piano, cordes, cuivres. Les 2 tubes que sont « Altar Ego » et « Ego Sum » reposent en grande partie sur cette ampleur donnée par les arrangements.
A titre personnel, ce type de Black Sympho échevelé porté par des riffs qui fusent et des apports quasi cinématographiques me file des frissons et me donne envie de pousser le potard du volume à fond. Ecoutez-moi cette mélodie à 1 :15 sur Ego Sum, majestueuse, désenchantée, sublime. C’est bien simple j’ai ressenti le même plaisir à la découverte de Ex Nihilo que pour « Spiritual Black Dimension » de Dimmu, même si l’aspect sympho de la musique d’Usquam n’est pas axé sur un piano virtuose mais plutôt sur des nappes profondes aux mélodies douloureuses (Arcana Nox, magistral).

Au final la simple description du style m’aura rendu bien bavard… mais je ne peux continuer sans rendre honneur à l’exceptionnelle qualité des solos qui parsèment l’album. Celui de Altar Ego se pose ici en maître étalon de ce que Eithenn apporte mélodiquement à cet album. Un toucher, un savoir-faire gorgé de feeling qui porte l’émotion au firmament et donne une ampleur dévastatrice lorsque se relance la machine à 4 :00 : C’est putain de majestueux !
Dans l’ensemble tous les riffs sont intéressants, et j’adore la texture que tissent les guitares sur des morceaux comme Athanor ou le final de Persévérance qui témoigne de tout le panel proposé, entre arpèges, accords posés, effets éthérés ou rentre-dedans.

Ajoutons à cela le talent de composition de Alwan qui a inséré de nombreuses influences orientales aux harmonies délicates (the Mast et son chant envoutant) et porte tous les morceaux par une basse au cordeau tour à tour virevoltante sur Athanor, martiale sur Arcana Nox, touchante sur le final de The Mast.

Ambitieux, emphatique, inspiré, peaufiné, USQUAM porte en ce début d’année bien haut l’étendard du Metal Extreme français, et assure avec Ex Nihilo un superbe démarrage à cette année 2025 très prometteuse en excellentes sorties.

Et on enchaîne avec Alwan et Werna qui se sont prêtés au jeu des questions…


Pouvez-vous présenter USQUAM à nos lecteurs (style pratiqué, création, line-up) ?
ALWAN :
USQUAM a été créé en 2018, sous forme de projet solo. En 2020, DRAUGR puis EITHENN ont, tour à tour, rejoint le projet en tant que guitaristes. Werna Wolf a écrit tous les textes à cette période. Je cherchais un parolier et cela a été une rencontre décisive pour le groupe.
LH est ensuite arrivé au poste de chanteur pour enregistrer le 1er EP. Ce dernier est sorti en pleine pandémie de COVID, ce qui a sérieusement freiné notre appétit de concerts à l’époque. Après un gros projet extra musical, j’ai repris la composition en 2024.
LH a alors décidé de se consacrer à son groupe et Jessy Christ a pris la suite au chant, ce qui a modifié un peu la couleur de l’album.
Ses capacités vocales m’ont notamment permis d’intégrer les influences orientales que je souhaitais ajouter depuis longtemps ainsi qu’une plus grande palette d’influences d’une manière générale.
Le style a un évolué entre l’EP et l’album. Les choses s’affinent, Il y a plus d’ambiances et de tempos différents. Les compositions sont clairement plus matures. On parle de « Blackened Metal » ou de « Dark Metal ». Un Metal nourri aux influences les plus sombres mais hors des codes purement Black Metal. L’actualité du moment c’est la sortie du premier album le 31 janvier sur le label Source Atone Records.

WERNA : J’ai rejoint USQUAM dès sa création. Je venais alors de poster une annonce de recherche d’un groupe de Black Metal en tant que guitariste. ALWAN, lui, m’a donc contacté pour me demander… si je pouvais lui proposer des textes ! Bien qu’ayant écrit et publié de nombreux poèmes (dont une traduction des « Fungi de Yuggoth », de Lovecraft), je n’avais jamais songé à cette possibilité. J’ai cependant tout de suite accroché à son projet, le simple fait d’accorder une telle importance aux textes étant pour moi de très bon augure, et les qualités musicales et humaines d’ALWAN ont achevé de me rallier à sa cause.

L’album s’appuie sur la tradition primordiale et la notion d’EGO, pouvez-vous expliciter ces concepts et leur mise en valeur à travers les textes ?
WERNA :
La Tradition Primordiale est le nom que le métaphysicien René Guénon donnait à la source commune et « non-humaine » (ce qui ne signifie pas « extra-terrestre », soyons bien clair !) de toutes les grandes traditions spirituelles orthodoxes connues et oubliées, passées, présentes et à venir, de l’histoire de l’humanité, dont quelques-unes subsistent encore, comme le christianisme, le judaïsme, l’islam, l’hindouisme et le bouddhisme.
On l’aura compris : de ce point de vue, c’est le fond, qui compte, et non la forme, contrairement à ce que pourraient et voudraient nous faire croire les partisans de l’exclusivisme religieux.
Cette Tradition Primordiale, d’autres l’ont appelée Sagesse pérenne ou Sophia perennis. L’accès à cette sagesse, quelle que soit la voie par laquelle on passe, suppose un processus initiatique long, difficile et rigoureux, voire même douloureux, le passage par cette porte pour le moins étroite nécessitant en premier lieu de se délester de toutes ses croyances, dont l’agrégat forme ce qu’on appelle communément l’égo.
Les textes ne s’articulent cependant pas qu’autour de cette étape mais, tout en s’attardant sur les obstacles qui peuvent se présenter au cours de cette Quête, qu’il s’agisse de notre attachement aux biens matériels, des divertissements innombrables auxquels nous tendons tous à accorder trop d’importance (« divertir » signifiant, étymologiquement, « détourner de la voie ») ou de l’asservissement de l’homme à ses pulsions, donnent également un aperçu de la lumière qui nous attend au bout du chemin. Le dernier texte encourage en outre celui ou celle qui se lance à persévérer coûte que coûte, ce qui importe étant avant tout de garder le cap, comme Ulysse face aux sirènes.

Les thèmes abordés sont je cite : la guerre, la mort, la renaissance, comment avez-vous imbriqué les textes et la composition, comment se nourrissent-ils l’un l’autre ?
WERNA :
Suite au premier EP, très païen dans son approche, ALWAN m’a communiqué son désir de se lancer dans un album plus conceptuel, avec une ligne directrice claire. Cela tombait plutôt bien, puisque j’entrais alors dans une de ces phases au cours desquelles les textes semblent s’écrire d’eux-mêmes, formant de la sorte assez naturellement un tout cohérent. Depuis l’EP, je savais à quoi m’attendre sur le plan musical, et les quelques pistes déjà composées par ALWAN pour ce qui allait devenir EX NIHILO résonnèrent si bien en moi qu’elles suffirent à me lancer aussitôt dans la rédaction des textes, avec une contrainte cependant : il fallait que ces derniers continssent (qu’on me pardonne ce subjonctif bien imparfait !) des passages en anglais, en français et en latin.
Lorsque je lui proposai de centrer l’album sur la Tradition Primordiale, l’enthousiasme d’ALWAN me confirma qu’il s’agissait là de la direction à suivre. Si l’on y parle de guerre, de mort et de renaissance, il s’agit bien sûr de symboles, dont le langage est universel : c’est d’une guerre intérieure, qu’il s’agit, ce même combat que le Christ mena dans le désert et qui suppose de s’anéantir pour accoucher de Soi, comme nous y incitaient également Platon et la mystique Marguerite Porete, qui, elle, le paya de sa vie sur le bûcher.

La production est très ambitieuse avec, entre autres, des éléments symphoniques vraiment travaillés, comment cela s’est-il mis en place ? Avez-vous rencontré des défis techniques pour obtenir le rendu souhaité ?
ALWAN :
Pour le 1er EP on avait travaillé avec ED du Lower Tones Place Studio qui avait un super taf dans un temps record. En parallèle, on avait aussi échangé avec Fred Gervais du studio Henosis qui jouait avec notre guitariste EITHENN dans Orakle il y a quelques années. On avait gardé son nom dans un coin de la tête pour la suite. Pour cet album, il y a eu beaucoup d’arrangements. Trop en fait. Fred a fait beaucoup de tri pour ne garder que ce qui apportait un impact. Ce travail a été essentiel pour la musicalité de l’album. Il a une vraie connaissance de la musique au-delà de ses compétences d’ingénieur du son. Humainement c’est une personne avec laquelle on peut facilement travailler.

Tout a été naturel. On a été simplement très à l’écoute des détails et on a pas mal échangé avec lui. Eithenn est tout comme moi, quelqu’un de très pointilleux. Ce dernier a apporté une grande richesse dans les arrangements guitares. Il a un vrai feeling de jeu. Le résultat est riche, équilibré et puissant et répond vraiment à nos attentes initiales.

Quel a été le morceau le plus spontané à réaliser et à l’inverse le plus laborieux ?
ALWAN :
C’est dur à dire. Symbol est surement le plus vieux et est le titre qui a le plus évolué.

Entre la version initiale et la version finale, il y a un monde. Parfois un arrangement change la donne et il trouve sa place dans l’ensemble. Un titre plus « progressif » tel que Persévérance a demandé pas mal travail de structure… alors que ses lignes mélodiques ont inversement pris forme très rapidement. Au final, l’album a pris forme de manière assez naturellement. Nous ne travaillons pas à la surenchère technique mais uniquement à la musicalité. On compose des chansons et non des suites de riffs : lorsqu’un morceau sonne et qu’il possède la bonne vibration, il est terminé.

Il y a clairement une touche orientale dans certains passages, mélodies, harmonies etc… D’où vient cette influence ?
J’avais toujours, bien avant USQUAM, souhaité le faire. Cela contribue parfaitement à une forme de mysticisme qui me hante depuis bien longtemps. L’arrivée de Jessy Christ a beaucoup aidé. Lorsqu’elle m’a dit qu’elle pratiquait les chants carnatiques, c’était le jackpot. Elle est arrivée après le processus de composition instrumentale et son apport, déjà très riche, n’a pu se traduire qu’au moment de l’enregistrement. Sur les compositions à venir, on intègrera probablement plus d’éléments et d’influences diverses. Je vais composer afin d’intégrer cette dimension dès le début du processus. Je suis déjà pressé d’y être !

Pourriez-vous citer une œuvre littéraire, une œuvre cinématographique, une œuvre musicale (y compris non Metal) qui permettraient à vos auditeurs de mieux s’immerger dans l’univers d’Usquam ?
ALWAN :

– Œuvre Littéraire : 1984 de George Orwell
– Œuvre Cinématographique : Requiem for a dream de Darren Aronofsky
– Œuvre Musicale : Storm of the Light’s Bane de Dissection
Sinon, on a fait sur Spotify une playlist qui recouvre une bonne partie de nos influences mais aussi quelques trucs qu’on apprécie aussi aujourd’hui. Ce n’est pas exhaustif mais ça permet de cerner d’où on vient : https://open.spotify.com/playlist/3MAiNqftKciN4k5jEHRuhy?si=94cd833e9d9b49d3

WERNA
– Œuvre Littéraire : At the Mountains of Madness / Les Montagnes hallucinées (H.P. Lovecraft)
– Œuvre Cinématographique : Edward aux mains d’Argent (Tim Burton)
– Œuvre Musicale: Let Mortal Heroes Sing Your Fame (Summoning)

L’IA pose débat, et a été mise à contribution pour aider à la création de la couverture. Pouvez-vous expliciter ce choix dans le processus de création ?
ALWAN :
Cette pochette n’a pas été faite par une IA. Elle a été réalisée avec des ressources visuelles générés par des outils d’intelligence artificielle. La différence est fondamentale.
Les IA ne sont pas créatives, elles assemblent des éléments de manière plus ou moins aléatoire, malgré la guidance des prompts.
J’ai une idée précise de l’orientation d’USQUAM, qu’il s’agisse de musique, de textes ou bien entendu de visuels. J’ai été graphiste pendant un peu plus de 20 ans et il était hors de question de laisser la main à une machine pour créer un visuel en autonomie.

J’ai généré des éléments générés par IA. Le tout s’est retrouvé dans Photoshop où j’ai assemblé une multitude d’éléments. Cela n’a clairement pas été un gain de temps ni même une facilité puisque j’ai beaucoup tâtonné, essayé des outils divers… mais j’ai pris plaisir à fonctionner de la sorte.
Même si je m’intéresse au sujet, j’utilise assez peu l’IA d’une manière générale et c’était une expérimentation. Assembler des éléments graphiques (photos, éléments vectoriels…) c’est au cœur du métier de graphiste. Ce qui change ici, c’est l’origine de ces éléments. La direction artistique reste ce qui guide la création. C’est l’Alpha et l’Omega. Utiliser l’IA pour lui demander de créer une œuvre, qu’elle soit visuelle ou musicale n’aurait aucun sens. La création est une capacité humaine qui fait appel à nos émotions, à notre vécu et ce qui fait de nous des humains.
Nous avons fait le choix de transparence, d’assumer notre démarche et – mieux – de l’expliquer.
J’invite les curieux à écouter le podcast sur notre YouTube : Dans les coulisses d’Ex Nihilo : la conception du visuel.

Il tord le cou à nombre d’idées reçues sur le sujet. J’y explique ma démarche en détail. Libre à chacun de se faire une idée sur la base d’éléments factuels et non idéologiques. L’idée n’est certainement de faire une promotion sans nuances de l’IA. Je le répète : l’IA générative n’est pas créative.
Ne confondons pas les outils utilisés et le processus de création. C’est une confusion que j’entends trop souvent. Pour ma part, créer est une délivrance. Lorsque je compose, c’est totalement cathartique. Je me libère de quelque chose profondément enfoui. Je ne vais pas demander à une IA type SUNO de créer le prochain album. Cela ne répondrait en rien à ce besoin viscéral de libération par la création.

WERNA : Pour mon projet solo, je réalise toutes les pochettes moi-même, avec une feuille, un crayon, des feutres et de l’encre de Chine, avant de les coloriser par ordinateur. A partir de ce moment-là, j’utilise nécessairement l’IA, puisque le fonctionnement même d’un ordinateur repose sur ce qu’on appelle l’intelligence artificielle. Je l’ai même utilisée, faute de moyens, pour compléter le mastering d’un album, en gardant toutefois la main sur le résultat visé. En revanche, je n’utilise pas l’IA générative, que je trouve sans âme et qui pose clairement un problème sur le plan moral quand on la prétend créative.
Avec son artwork, ALWAN, dont le design est le métier, m’a convaincu qu’il était possible d’utiliser l’IA générative de manière créative, à condition de ne pas se contenter de lui demander, comme on le voit désormais de plus en plus souvent, de générer une image qu’on garderait telle quelle à la sortie. Tout processus artistique suppose, non seulement de la technique, mais également de l’intention, ce qu’aucune IA ne peut avoir, puisqu’il faut être doué de conscience — et non d’un simulacre de conscience — pour avoir l’intention de quoi que ce soit.
Qui plus est, dans toute forme d’art, l’intention se double généralement de l’intuition, qui nous connecte à quelque chose de supérieur et ne peut en aucun cas se manifester dans une simple machine, aussi perfectionnée soit-elle. Le résultat, dans le cas de l’expérimentation d’ALWAN, qui a su par sa démarche démontrer que l’IA, même générative, n’est et ne doit jamais être rien de plus qu’un outil, c’est que la pochette est magnifique et reflète parfaitement l’esprit de l’album.

A titre personnel je suis très inquiet sur l’impact culturel/éducatif de l’IA, de l’ultra connexion, des applis addictives sur les pays qui ont un accès permanent aux outils informatiques. Je suis pessimiste et pense que l’humanité est en phase de déclin sociétal et que les outils modernes ne font que l’accélérer.  Quel est votre avis sur ce sujet ?
ALWAN :
L’IA est un sujet d’inquiétude mais également d’espoir. Au niveau médical notamment, l’IA va beaucoup apporter. Tout dépend de nos usages. Un peu comme l’atome. Son usage apporte l’énergie mais peut aussi apporter la mort. En fin de compte lorsque l’on parle des usages c’est à l’humain que l’on se remet. On sait tout qu’il est capable du meilleur comme du pire…
L’ultra connexion n’est pas liée à l’IA : elle la précède. C’est clairement un vrai souci et on voit très bien que cela détériore complètement la faculté de concentration et même notre intellect. L’esprit critique doit se baser sur un faisceau de connaissances et non des punchlines qui affolent les algorithmes.
Ces outils sont aux mains d’un très petit cercle de gens aux intérêts politiques et financiers similaires.
On voit bien aux Etats unis l’ampleur du phénomène, cela est devenu hors de contrôle.
L’association contre-nature de Trump et d’Elon Musk, via son réseau social, va avoir des conséquences majeures. En Chine également : les jeunes sur TikTok n’ont aucune idée du contrôle de la donnée et du soft power chinois en plein développement. A Taiwan, ou à Hong-Kong c’est une réalité déjà très palpable. Cela affecte profondément notre rapport à la vérité et aux faits et, par conséquence, notre conception de la démocratie.
L’éducation est un enjeu majeur. Une partie des plus jeunes utilise l’IA sans limites et sans vérification des faits. Il est essentiel d’encadrer les usages et de sensibiliser à la désinformation, au sens critique et travailler autour des sciences cognitives.
Une interdiction pure et simple de l’IA n’est pas réaliste ni forcement souhaitable mais son usage actuel pose d’énormes problèmes et ne peut rester en l’état. La fiction nous amène à craindre une « hors de contrôle », je n’y crois pas. Les problèmes viendront d’un usage irraisonné. Une technologie puissante dans les mains des puissants, on devine facilement que ça va mal se terminer. Les débats sur les IA génératives vont vite être éclipsés par des usages infiniment plus problématiques, notamment au niveau militaire et du contrôle des masses. La Chine a déjà ouvert le bal avec le système de crédit social. D’autres nations emboiteront le pas.

WERNA : Il ne faut pas s’inquiéter : la peur paralyse toute réflexion. Le problème, ce n’est pas la technologie, c’est ce que les hommes en font. Je pars du principe que tout ce que l’homme peut faire, l’homme le fera. Le meilleur comme le pire. Nous avons tous le choix.

Selon vous, à quelle étape de l’humanité nous trouvons-nous et à quoi risque de ressembler l’avenir sur les prochains siècles ?
ALWAN :
On parle beaucoup de notion de cycles dans nos textes. Même s’il y a beaucoup de métaphores en rapport avec des mythes d’ici ou d’ailleurs, un fil bien concret plane en fond.
Difficile d’imaginer ce qui succèdera à la toxicité de l’individualisme, du matérialisme et de l’argent-roi. Que restera-t-il après l’avènement des populismes ? Les empires sont bel et bien de retours et le déclin des démocraties parait difficilement évitable.
Je suis effrayé par l’appétit des grandes puissances qui, plutôt que de protéger nos ressources, ont acté leur disparition et s’en remettent à la conquête spatiale pour assurer la vie « après-Terre ».
Les USA, l’Inde, la Chine, la Russie… Nombreux sont les acteurs qui vont dans un sens commun : celui qui nous mènera à notre fin. Pour finir sur une note plus optimiste, on n’est jamais à l’abri d’une prise de conscience. Ce cycle matérialiste et populiste fera peut-être, lui -même place à un certain retour de la raison et d’un peu de bon sens.

WERNA : Là non plus, il ne faut pas s’inquiéter. Le déclin, certes, est manifeste à tous les niveaux, et nous sentons tous, je pense, un effet d’accélération croissante, en sus d’une polarisation caricaturale des rapports humains, encouragée et renforcée par le fonctionnement même de sites comme X ou Youtube, ainsi que par la propagande politique.
Mais cela ne date pas d’hier. Cela fait à peu près 2500 ans que nous sommes dans ce que les anciens appelaient l’Âge de fer, et si tout n’est pas sombre pour autant, force est de constater que l’humanité semble assister aujourd’hui, comme sidérée, à la fin, non pas des temps, mais d’un temps, qui se caractérise, non seulement par d’innombrables conflits, mais également par une accélération telle qu’il semble paradoxalement que tout soit au point mort. Comme si nous avions enfin touché le fond après une longue chute.
Les Romains, déjà, par la construction de routes et de ponts, réduisirent considérablement le temps qu’il fallait pour aller d’un point A à un point B. Plus récemment, l’arrivée successive du train à vapeur, des voitures et des avions l’a réduit davantage encore. Aujourd’hui, avec Internet, nous pouvons instantanément contacter une personne à l’autre bout de la Terre, de sorte qu’en apparence l’espace et le temps, après s’être contractés de plus en plus rapidement au fil de l’Histoire, se trouvent comme abolis. Tout va tellement vite que nous peinons à suivre.
Est-ce un hasard si les hommes sont si agités (et bruyants) de nos jours ? Le corollaire : une incapacité totale à se concentrer. Et nous nous sommes tellement éloignés du centre que nous ne parvenons plus que difficilement à le retrouver. Perdus, nous errons dans un dédale d’écrans noirs, qui, comme des miroirs, nous renvoient sans cesse d’une image de nous-mêmes à l’autre, la Matrice entretenant une illusion cauchemardesque faite de rêves artificiels et dont les failles, de plus en plus visibles, semblent annoncer l’imminence de la fin du spectacle, bien que les Narcisse des temps modernes continuent de s’y noyer en masse.
Un cycle se termine — celui que les hindous appellent le Kali Yuga —, un autre commence. Sommes-nous sur le point d’entrer dans un nouvel Âge d’or ? L’espoir est permis. Mais au fond peu importe : chacun d’entre nous devra faire face, un jour ou l’autre, à la fin de SON temps. Tâchons donc de donner du sens à ce qui précède. Beaucoup s’inquiètent de la mort et de ce qu’il y a — ou non — après. Or, ce qui importe, ce n’est pas qu’il y ait une vie après la mort mais qu’il y en ait une avant.

Vous avez réalisé 2 vidéos très pertinentes portant sur la réalisation de la couverture et sur les textes, d’autres sont-elles prévues pour expliquer les étapes de conception de cet album ?
ALWAN :
Effectivement, d’autres sont prévues et verront le jour au fil de nos pérégrinations.
Mais pour l’instant, chuuuut….

Le clip d’Ego Sum doit avoir demandé un gros travail, pouvez-vous nous raconter comment ce projet s’est concrétisé ? Avez-vous des anecdotes le concernant ?
ALWAN :
Venant du punk, j’ai un côté DIY profondément ancré en moi. A ce titre, ce clip était un vrai challenge. 3 mois avant de le tourner, je n’avais quasiment aucune notion de vidéo, de montage et encore moins d’étalonnage. Je ne suis pas spécifiquement cinéphile à la base et suis donc parti de très loin ! Il a fallu apprendre les bases techniques de la vidéo mais aussi scénariser, découper en séquences, en plans, organiser le tournage et tourner. Je n’étais pas serein car je n’étais pas sûr de les atteindre et je m’en serais vraiment voulu de faire perdre leur temps aux participants. On était très peu et il fallait gérer beaucoup de choses dans un temps restreint.
En termes d’anecdotes, quand nous sommes arrivés sur le lieu du tournage en forêt, nous sommes tombés nez à nez sur une vingtaine de chasseurs. Le lieu repéré était petit et correspondait à des enjeux pratiques. Il a fallu se rabattre au dernier moment sur un bosquet à 50 mètres avant le groupe de chasseurs qui continuaient leur battue. La scène sur les voies ferrées relève également de l’anecdote : des groupes de gens y pratiquent le vélorail et il fallait filmer entre les wagons qui passaient et nous regardaient avec un drone, des fumigènes et un flingue. Il y avait aussi une caméra se vidéo surveillance à cet endroit-là, il était donc possible que tout s’arrête brusquement…
On pourrait aussi parler des cascades d’Adsagsona, la chanteuse du groupe Houle, qui a joué le rôle de l’otage dans la vidéo. Mais on va garder les dossiers au chaud ah ah…

Votre formation semble taillée pour le live, est-ce prévu en 2025 ?
ALWAN :
Effectivement, c’est dans les principaux objectifs 2025.
On a quelques dates prévues en mars et avril dans le Nord, en Belgique et en Ile de France.
Nous avons tous une certaine expérience du live dans précédents groupes mais il nous faut créer cette force collective en live. Nous travaillons actuellement dans ce sens pour proposer un set solide.

Je vous laisse le mot de la fin.
ALWAN :
Merci à toi et longue à Satan bouche un coin !
WERNA : Un grand merci à toi. Que la Force soit avec Satan bouche un coin !

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