Chronique écrite par Philippe Saidj

« Nous les écorchés, on en a des sévices. » Issue d’une lignée de prêtresses galloises, servantes du culte de Morrigan, Jara aspirait certainement à se montrer à la hauteur de sa mère, Siwan, mais pouvait-elle se douter du redoutable programme initiatique qu’allait lui proposer son parcours de vie ?
Le feu coule dans ses veines et tout en elle est fougue et passion, mais elle doit pourtant arriver à accepter que rien n’arrive par hasard. Son premier mari meurt des mains de l’homme qu’elle doit désormais prendre pour époux ? C’était écrit.
L’homme en question, en plus d’être anglais, chrétien et autoritaire, possède une âme et un corps qui la plongent dans un état émotionnel indescriptible ? C’était écrit, je vous dis…
Les menaces extérieures les plus sérieuses poussent comme des champignons dans la forêt de Sherwood au mois d’octobre ? C’est éc… Oui, je sais, jouer au père Fourras, c’est facile, avaler des couleuvres de la taille de boas constrictors, beaucoup moins, surtout lorsque la personne ayant à affronter tous ces défis vit chaque moment de son existence avec une intensité inouïe.
Mylène nous narre avec force la première partie du cheminement de Jara et d’Aidan, dont la relation est plus tumultueuse encore que celle du soufre et du mercure. Conçu comme une romance, le Baiser de la Déesse est tout sauf une banale histoire d’amour. Impeccablement serti dans le contexte historique de la frontière anglo-galloise du règne d’Edouard IV, le brillant récit multiforme nous fait intégrer la pensée souvent obsessionnelle de Jara, sorte de mantra de protection contre ceux qui menacent sa liberté, nous fait suivre les péripéties haletantes des multiples protagonistes de l’histoire, mais, surtout, nous dépeint un univers basé sur de puissants contrastes.
Pensée païenne ou pensée chrétienne, amour ou raison, loyauté ou émancipation… Le fond du roman, cette capacité du couple de protagonistes à transformer ces « ou » en « et », va bien au-delà de la « dark romance » classique, mais sa forme s’avère également être un atout majeur. Si l’écriture de Mylène, premier roman oblige, est encore perfectible du côté de la maîtrise du rythme de l’histoire, ses qualités de conteuse sont déjà patentes. Son habileté à nous décrire les sentiments des personnages, toute l’ambivalence, la puissance et la sensualité de leur relation n’a d’égal que sa capacité à planter le décor des lieux évoqués. Quant aux manifestations de la déesse… sans spoiler, je me limiterai à dire qu’elles sont impactantes.
Pour résumer, je ne peux que chaudement recommander la lecture de ce roman puissant et prenant, mélangeant de manière savamment dosée ingrédients initiatiques, romantiques, poétiques et historiques.
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