VAGUES D’AMERTUME de HELL GATE

Chronique écrite par François Kärlek

Je n’en parle pas souvent mais la musique LIVE est plus que jamais essentielle pour les artistes underground :
– Pour partager avec un public (qu’il soit déjà conquis ou en train de découvrir) leurs créations et les ambiances qu’ils souhaitent dégager.
– Pour échanger/discuter sur leur musique avec leur public (quand la salle le permet car ce sont très rarement les groupes qui décident de se cacher en backstage).
– Pour gagner des sous pour leur matériel, trajet, heures de studio, production d’album… à l’heure où 99% des gens pensent que la musique est gratuite (vaste débat mais j’ai quand même envie de rappeler ici à quel point Spotify et compagnie sont un modèle économique déplorable pour les artistes).

J’attache donc beaucoup d’importance à aller voir des groupes underground dès que possible, pour le plaisir que cela me procure de m’immerger dans leur art (on touche ici au cœur du sujet) mais aussi par respect pour ces personnes passionnées qui se tapent souvent des heures de route, d’installation de matériel, de balances, parfois pour 30min de set.

Longue introduction certes, mais j’en viens aux lorrains de HELL GATE et ce « Vagues d’Amertume ».

J’ai mis (bien trop !) longtemps à sortir cette chronique car entrer dans cet album ne m’a pas été immédiat, sans doute à cause du son trop moderne et un peu froid pour mes vieilles oreilles bercées par les 90’s (on parle ici d’un groupe étiqueté Post Black Metal).

Je sentais que je passais à côté de quelque chose, et je voulais voir le groupe en live pour appréhender leur musique dans les conditions idéales et vraiment comprendre leur univers, dans le cadre immersif immédiat d’une salle de concert.

L’occasion s’est présentée le 23 novembre et BON SANG C’ETAIT UN SUBLIME CLAQUE !

Constitué de 4 musiciens, masqués et habillés tels des spectres, Hell Gate fait partie de ces groupes à la musique lancinante (malgré les blasts et autres fulgurances), aux ambiances posées, aux morceaux qui prennent le temps de progresser et vous envelopper. En cela le groupe sait parfaitement magnifier sa musique sur scène par son chanteur habité, son batteur aux mille bras et pieds (les breaks de « Phare » !) et un duo de cordes qui se complète à merveille entre guitare aux riffs acérés et basse grondante.

Avec la pochette et le nom des morceaux (Naufragés, Epaves, Phares) on pourrait faire un raccourci rapide avec Skaphos ou Houle qui abordent aussi des sujets maritimes. Mais ne vous y trompez pas, cet album nous parle avant tout de l’Humain, au sens large, en parfaite continuité avec leur précédent album « Par-Delà l’Existence » qui abordait le mal-être, la souffrance, les contradictions de l’homme, et ce en particulier face au sujet écologique.

Il faut en effet creuser les textes pour comprendre que Hell Gate est un groupe très engagé. C’est même essentiel pour comprendre que cet album est en grande partie un manifeste écologique pour une prise de conscience immédiate, sous la forme d’un électrochoc de bruit et de fureur.

La musique sert ici parfaitement le propos, sous sa forme principale, à savoir un black mélodique puissant et épique comme en témoignent « Au plus loin la Terre » en midtempo, « Epave » gorgé de blasts et ruptures à la Immortal (At the heart of Winter) et « Phare » aux trémolos dans la plus pure tradition scandinave.

D’autre part les compos sont parsemées de splendides passages aériens, servis par une guitare cristalline et basse enivrante sur « Par le fond » à 5:00 ou l’intro et le break à 3:40 de « l’Océan Aux Milles Tempêtes ». L’album s’avère au final truffé de ces passages atmosphériques qui calment le jeu (les Naufragés à 2:50, Phare à 3:00) avant de magnifiques montées en puissance qui relancent la dynamique (la partie centrale de « Grève » et son roulement de caisse claire, juste monstrueux).

Plutôt que de longs discours je vous invite à écouter avec attention 2 morceaux, ceux qui me touchent le plus par leur emphase, et dont je livre ici les extraits de textes qui m’ont profondément marqué et vous permettrons de comprendre au mieux cet album :

L’océan Aux Milles Tempêtes à 3:45

« Au milieu du Pacifique
S’érige le septième continent
Une terre faite de plastique
En plein centre de l’océan
C’est l’héritage que nous laissons
Nous la dernière génération
À notre planète magnifique
Notre ultime création »

Grève à 4:09

« Dis-moi,
C’est vraiment ce que tu veux
Vivre dans ce monde malade, putride
Je veux savoir
Qu’est-ce que tu feras
Quand le dernier arbre aura été coupé
Que le dernier poisson aura été pêché
Que la dernière rivière se sera tarie
Que la dernière flaque d’eau sera croupie
Que le dernier animal aura été chassé
Que le dernier brin d’herbe aura brulé
C’est vraiment ce monde-là qui nous tend les bras ?
Un brasier, ou l’inculture est montrée comme un trophée
Où la dernière once de bonté a été vendue sur les marchés financiers
Ce monde-là je n’en veux pas
Je veux courir dans les prairies
Sentir l’air iodé de la mer, le sable comme une caresse sous mes pieds
Je veux vivre tout simplement
Vivre »

Ne vous faites donc pas avoir par l’étiquette « Post-Black » et « Maritime » de ces Vagues d’Amertume, cet album propose une musique puissante et habitée, profonde, et dont les thèmes, très bien amenés et plus que jamais d’actualité, m’ont sincèrement touché. 

Un opus excellent de A à Z, extrêmement mature pour un 2ème album, qui mérite toute votre attention et les multiples écoutes nécessaires pour l’apprivoiser.  

Enfin, on ne le dira jamais assez, un groupe à découvrir absolument en LIVE si vous en avez l’occasion !

Retrouvez Hell Gate sur Bandcamp

Laisser un commentaire