ABRAXAS de ALKHEMIA

Chronique écrite par François Kärlek

Originaire de Lille, Alkhemia pratique un Black Metal dont la texture et le ressenti rappellent très fortement les rigueurs Norvégiennes.  On pense aux années 90, mais avec un son très moderne et une approche de composition audacieuse, donnant la part belle aux atmosphères qui prennent le temps de se développer sur de longs titres, en particulier un très audacieux Homoprescence et ses presque 10 minutes en ouverture.

On sent que les membres, issus de THE NEGATION, MALCUIDANT, NIRNAETH, IN HELL, EN FINIR… ont de la bouteille et pas envie de s’encombrer de compromis, assumant une proposition musicale qui s’éloigne des standards.

Hormis de rares exceptions, le tempo est très élevé et la batterie supersonique, portant des riffs qui assument les ambiances tour à tour puissantes, épiques ou bien malsaines. 

Ambiances en lien direct avec le large thème abordé : les conséquences néfastes de la modernité sur l’Homme (on pense à l’insupportable invasion de notre quotidien par l’Intelligence Artificielle !) et la difficulté de chaque individu à s’épanouir et faire les bons choix dans un contexte froid, industriel, liberticide. Le groupe évoque 1984 de Orwell et la théorie des deux loups qui explique qu’en chacun de nous se battent constamment un loup noir (colère, envie, jalousie) et un blanc (joie, paix, amour, espoir). A vrai dire, cela m’évoque le petit ange et le vilain démon qui titillent souvent les personnages de dessins animés face à certains choix. Sauf qu’ici rien n’est vraiment mignon hein, on en revient au sens premier du mot « Metal » : gris/froid/abrupt.

Il en ressort une musique ambivalente, entre violence mécanique, hermétique et étouffante, et mélodies lumineuses et prises de respiration, qui prennent forme, entre autres, dans les claviers emphatiques, guitare acoustique, ralentissements, et riffs qui flirtent avec le médévial/folk qui parsèment les compositions.

Cependant ce sont les passages les plus sombres et véhéments qui me semblent les plus réussis, « Primaveal Pantheons » et ses ambiances mystiques, occultes, invitant à l’introspection, « Reminiscence Quintessence » transpirant de désespoir et solitude, « Transhumanization » parsemé de passages black’n roll du plus bel effet et en apogée la violence salvatrice de « Toxikon », dense et étouffant.

L’œuvre peut sembler un peu hermétique, mais la maestria des musiciens donne une fluidité et un naturel impressionnants et surtout 95% des riffs sont tout simplement excellents ! Cette franche réussite est largement aidée par la production extrêmement fine et cohérente du Studio Nebiros qui permet de donner parfaitement corps aux intentions du groupe et de distinguer chaque subtilité, basse comprise (ce qui n’est pas si courant). Un colossal travail d’orfèvre qui rend intelligible cette musique dense et complexe.

Œuvre difficile d’accès mais méritant très largement de s’y pencher en détail, ce premier album excelle dans sa proposition d’une musique profonde, superbement travaillée, à la personnalité forte.

Et on tente d’en savoir un peu plus sur cet album avec quelques questions :

Salut Alkhemia, le groupe, basé à Lille, comprend des membres de « En Finir », « Azziard », « Nirnaeth »… quel a été l’élément déclencheur et fondateur de ce projet commun entre vous 5 ?

Alkhemia et né en plein confinement. Seulement, en 2023, nous avons pris la route pour quelques shows en Hollande et la Belgique et le Nord de la France. C’est surtout suite à l’engouement du public sur scène et les multiples demandes de shows supplémentaires qu’Alkhemia s’est vu changer de line up. L’expérience des uns et des autres forge l’identité du groupe.

La composition est-elle l’affaire d’une seule personne ou collective ?

La composition d’Abraxas a été faite principalement par Maxime le Prince sur ABRAXAS les textes par James Spar.

Commencer un album par un morceau de 9 :40 c’est couillu. Considérez-vous Alkhemia comme un groupe sans compromis artistique ?  

Je crois que tu as répondu à ta propre question, nous ne faisons pas de musique avec une calculette et nous ne soucions de si c’est trop long ou pas. Il y a une émotion et nous y répondons.

Au regard de la scène Black Metal actuelle bien fournie, comment donneriez-vous envie à un auditeur un peu blasé de découvrir Abraxas ?

Je dirais simplement de nous voir en concert, et s’il souhaite écouter ABRAXAS qu’il se laisse embarquer par l’entièreté de l’album. La production et très bonne grâce à Clement Flandrois (feu Hyrgal et SVART CROWN) au mix et mastering.

En termes de textes et de thèmes, quelles sont les clés pour comprendre votre univers et les ambiances souhaitées ?

La première phrase reflète bien l’album « je suis coincé dans ce monde taché de larmes de merde » je fais la traduction, c’est plus simple. Les textes sont une introspection personnelle du monde tel que je le perçois : l’industrialisation, les nouvelles technologies, les nouveaux dogmes les nouveaux courants de pensée… Très inspiré de 1984 de Georges Orwell.

Même si Alkhemia a déjà sa propre patte, l’album m’évoque aussi bien la scène scandinave des années 90 que la vague plus récente. Quels sont vos éventuelles influences ?

Je ne pense pas répondre à cette question de façon pertinente nous sommes tout fan de musique en général je ne pense pas que cela soit tel ou tel groupe qui nous inspire, mais plutôt le black metal et ses matières premières… comprendra qui pourra…

L’album est superbement produit à mes yeux par Nebiros Studios qui a aussi produit le projet « En Finir ». Comment s’est faite la rencontre avec Nebiros ? Que pensez-vous du rendu final ?

Nebiros a enregistré les instruments chez lui au Nebiros studio, la rencontre s’est faite lors d’un concert en Belgique au cours duquel nous avons longuement échangé. Comme évoqué, le mix et master ont été faits au studio la crypte par Clément Flandrois.

Quoi de mieux que se faire produire par deux légendes du black metal belge et francais ?

L’album est très fin avec de nombreux détails mais vous êtes aussi un groupe de live. Comment restituez-vous les ambiances des morceaux ?

Merci pour ces mots, si Abraxas t’a touché nous en sommes les plus flattés. En concert, c’est plus simple de restituer notre musique, car derrière les instruments il y a de vrais cœurs qui vibrent pour le black metal.

Vous communiquez beaucoup sur le Battle In The Nord Fest (25 janvier 2025 à Wattignies près de Lille).  Quelle est l’implication d’Alkhemia dans cet évènement ?

Alkh est l’association qui a créé le Battle in the Nord : nous avons participé au lancement de ce projet, certains membres d’Alkhemia sont investis dans cette organisation.

Pensez-vous qu’il y a une scène Metal bien fournie dans la région Nord ? Est-ce une petite famille ?

Le Nord et une terre où le metal et les fans sont bel et bien présents ! De là à dire que c’est une famille personnellement je n’y crois pas. Nous faisons cavalier seul et préférons de loin nous exporter. Comme le dit l’adage nul n’est prophète ses terres.

Quelle va être la suite pour le groupe ? Beaucoup de live pour défendre Alkhemia ? Un 2ème album ?

Alkhemia et un groupe live donc oui effectivement il y aura des concerts en nombre, nous sommes désormais suivis par Dark moon event (bookeur finlandais) et je pense que d’autres pays seront à conquérir ces prochains mois. Le 2ème album et en cours d’élaboration effectivement.

Je vous laisse le mot de la fin.

Merci pour le soutien à la scène underground et à très bientôt !

Musicalement James.

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