The Fall Of Valhalla de HIMINBJORG

Chronique écrite par François Kärlek

Intégrité, voilà le premier terme qui me vient pour Himinbjorg, groupe de Black Metal savoyard qui frôle bientôt les 30 ans et sort cet album chez Adipocere, label culte qui a soutenu et découvert beaucoup de groupes qui ont donné leurs lettres de noblesse au Metal Extrême, en particulier français.

La musique me semblant particulièrement imbriquée avec les thèmes évoqués et l’album construit comme un voyage, il me semble naturel de construire cette chronique par étapes, comme on le fait en découvrant l’album.

BROTHER SEQUANE 
Parfaite entrée en matière, ce premier brûlot est d’une redoutable efficacité, plus de 6min qui passent toutes seules avec en point d’orgue central les invectives du chef de meute Zahaah qui nous montre la voie d’un « ô, mes amis, mes frères et mes fils, tous comme un ! » qui prend littéralement aux tripes. Avec le parti pris de ses sonorités Death, ses riffs martiaux et accélérations bien senties, on n’est clairement pas dans le mi-figue mi-raisin et invités à rejoindre l’insurrection contre les productions lisses et la musique sans saveur.

Car oui cet album peut surprendre les oreilles trop habituées au joli son propret de 95% du Metal actuel. Mal produit ? certainement pas ! Tant il semble correspondre parfaitement aux intentions de son géniteur. Chaque compo a du corps et de la consistance, aussi rugueuse soit-elle, au sein d’un œuvre sans compromis. Un choix qui ne fera pas l’unanimité mais me semble hautement respectable.

THE PATHETIC MEN SHOW
Critiquant les « faux culs » divers qui pourrissent tout ce qu’ils touchent parce que leur intérêt personnel passe avant tout, ce morceau enfonce le clou par ses riffs accrocheurs, très Black’n roll, me rappelant le bon vieux groupe grec Nightfall (me vient en tête « Lesbian Show » de 1997, une belle référence) et basculant vers 3 min sur une accélération black du plus bel effet avant un final mené par un solo de guitare majestueux qui vous emportera directement au Valhalla avec lui.

DOGMA
Un morceau très martial et lancinant dans l’esprit des riffs mais porté par une batterie à 100 à l’heure qui permet d’apprécier le travail, extrêmement organique et proche du live de la production. La programmation et la retouche de batterie pullulant dans le milieu Metal, ce type d’album rappelle à quel point il est important en termes de dynamique et de ressenti que la charpente des morceaux soit au maximum naturelle avec un toucher humain et des patterns telluriques en cohérence totale avec les idées portées par Himinbjorg : un nécessaire retour à la nature et le respect de la vie sous toutes ses formes. 

ARCHITECTURE OF ANNIHILATION
En binôme avec The Fury Talk, on tient ici un « tube », immédiatement accrocheur.
On sent de la rage et la rébellion, portées par des sonorités Thrash/Death bien velues, un chant versatile et une basse très présente, en particulier sur de terribles passages en doubles croches.
Le final quasi Doom, pachydermique, assène une déflagration musicale évoquant les processus de destruction infligés par l’homme sur son environnement.

Live au Mennecy Metal Fest

THE FURY TALK
On tient ici un petit bijou de feeling qui démarre en trombe par une leçon de Black Metal, un blast racé soutenant des accords très riches et un lead de guitare marquant chaque temps.
Si ce morceau est aussi prenant c’est qu’il regorge, derrière une apparente simplicité, de moult arrangements raffinés hyper bien pensés.  Ici un chant clair qui seconde les nappes de guitares, ici la basse qui explore et donne une couleur totalement différente aux accords.
Clairement un point culminant de l’album.

MY LAST JOURNEY 
Midtempo, ce « dernier voyage » propose, comme la suivante, une nécessaire respiration en milieu de parcours, présentant énormément de relief par un son très ample, magnifié par des accompagnements de cordes.

THE THRESHOLD
Piste quasiment instrumentale, basée sur quelques paroles issues du livre « L’Initiation, Comment acquérir des connaissances sur les mondes supérieurs » de Rudolph Steiner, ce morceau présente des effets et ambiances mystiques : j’adore en particulier les passages parlés posés sur une basse rebondissante et un tapis de double grosse caisse frénétique. On touche à quelque chose de transcendant.

Live au Mennecy Metal Fest

Les affaires reprennent avec TRIBELESS CHILD, littéralement « enfant sans tribu », un morceau sur le thème du déracinement. Non pas celui des expatriés, mais celui nettement plus global des gens qui naissent dans un monde de plus en plus froid, hostile, et déconnecté de la réalité. Il suffit de regarder ces hordes d’être humains qui emplissent nos cités, en particulier dès le plus jeune âge, scotchés à leur tablettes ou téléphones, (sans doute bientôt directement connectés par une puce dans le cerveau ?) pour se demander quelle sera désormais la place de celui qui vit dans l’instant, observe ce qui l’entoure et se sent en connexion avec la nature et ses ancêtres.
Un bien triste constat exprimé par les superbes chœurs harmonisés et mélancoliques de la première moitié du morceau suivi par des mélodies de guitare nostalgiques et un solo qui semble illustrer la lumière que portent en eux ces enfants en décalage avec leur triste époque.

THE COLOUR OF THRUTH
Conclusion logique de l’album, ce morceau condense les formules musicales de l’opus : riffs prenants, mélodie omniprésente, chant black ou Death selon les passages, fulgurance de guitares lumineuse, accalmies et de superbes ponts avec des sonorités de cuivres très solennelles.
Libre à chacun de trouver sa propre vérité et suivre la voie qui lui semble juste, telle pourrait être la morale de ce morceau final, même si l’idée n’est pas du tout de donner des leçons mais simplement de donner envie à chacun de prendre de la hauteur, comme en témoigne ce final grandiose m’évoquant une élévation spirituelle.

Si la chute du Valhalla, métaphore du déclin de nos modes sociétaux, semble inéluctable, Himinbjorg, en conservant la rage et la puissance des premières années du Black Metal dans un remarquable tour de force inspiré et mystique, entre en résistance et nous incite à le faire, chacun à notre échelle.

Une œuvre remarquable pour qui saura l’apprécier à sa juste valeur.

SHOP: www.himinbjorg.fr

BANCAMP: https://thechantoftrees.bandcamp.com/…/the-chant-of-trees

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