Chronique écrite par François Kärlek

11 Novembre 2022, l’année touche bientôt à sa fin, avec déjà un paquet de coups de cœur qui seront à mettre en avant dans mon éventuel « top » des sorties marquantes. Je tombe sur un lien vers le clip des paroles (oui bon, une « lyric video ») du morceau « Au loin la tempête » du groupe Houle.
Et là je me prends en pleine tronche ces sublimes images de vagues, de côte (bretonne ?), d’écume. Une intro avec des cloches d’église au loin, la gratte nerveuse qui démarre et BIM ! la déferlante sonore, un mur de puissance, jeu à deux guitares, basse ronde, batterie au cordeau, quelques effets bien sentis et surtout ce chant, mon dieu CE CHANT !!! Impressionné par les capacités d’un éventuel chanteur masculin, j’ai fini par comprendre ensuite qu’il s’agissait d’une chanteuse… évidemment ! tout s’expliquait en termes de tessiture, d’intonations, de texture, pour arriver à une telle proposition vocale… La maîtrise parfaite du registre saturé m’avait de prime abord évoqué un homme, j’assume totalement cet a priori.
L’EP, sobrement appelé Houle, m’a confirmé ensuite la qualité de ce premier morceau publié et a aussi été une révélation pour beaucoup de mes proches (amateurs de musique extrême s’entend).
Moins de 2 ans plus tard j’ai l’honneur, par mon activité de chroniqueur dans ces pages, d’écouter l’album « Ciel Cendre et Misère Noire » avant qu’il ne soit dévoilé le 7 juin. Et quel album bon sang ! Le groupe, dont la moyenne d’âge des musiciens en fait pourtant un groupe « jeune », a juste trouvé un équilibre incroyable entre une appropriation parfaite des codes du Black Metal et leur identité propre, ce style « Houle » dont ils avaient posé le potentiel sur leur EP, pour le faire littéralement exploser sur ce premier album, tel une ville côtière assaillie sous les brûlots ! Il y a tant à en dire que je m’autorise une bonne vieille chronique en « piste par piste » en réécoutant l’album au fil de l’eau.

« L’intro » nous embarque sur un bateau, avec bruitages et chant de matelots, une parfaite mise en scène de l’univers maritime de Houle, à écouter en découvrant le splendide Artwork de ce bateau livré aux affres d’une tempête, réalisé par Maéna Paillet, avant que démarre en trombe…
« La Danse du Rocher » qui pose le ton directement avec une intro tout en roulements de batterie et riffs harmonisés typés Heavy/Black. 10 secondes chrono qu’aurait pu composer le Immortal de « At The Herat Of Winter » mais avec un son moderne et cette touche Houle, tourbillonnante. 10 secondes qui suffisent à me convaincre que le voyage va être extraordinaire avant de me prendre dans la figure cette double pédale, ce cri d’introduction parfait et ces guitares tellement profondes, riches, harmonisées, une symphonie à elles toutes seules ! Houle a mangé du lion (ou du requin je ne sais pas) et nous propose une entrée en matière magistrale. Sur le thème de la susnommée cité se faisant dévaster par l’attaque d’un navire, ce morceau belliqueux est parsemé d’excellentes idées, ici un break à la basse ronronnante et groovy, là des relances avec des guitares qui tricotent. Le morceau s’aère par un break narratif qui permet d’apprécier la vraie voix de la vocaliste qui monte en puissance et se sature progressivement avant de reprendre le riff principal, majestueux à en pleurer, qui relance sans pitié une nouvelle tempête (alors qu’on se remettait à peine du dernier assaut) pour s’achever en un final aux sonorités de musique classique très « children of bodom-esque » dans l’esprit.
« Mère Nocturne », s’ouvre par un riff thrashisant, avec ses gros coups de basse, et confirme très vite l’aspect Heavy Metal / Black Metal mélodique des compositions, leur donnant ce côté épique absolument irrésistible. En 2 morceaux, je n’ai qu’une envie, pouvoir écouter ce début d’album avec des potes pour éprouver le plaisir trivial de s’exclamer tous ensemble en hochant la tête en rythme « mais bordel c’est absolument génial ! ». Parfait complément de « La Danse du Rocher », ce 2ème morceau, malgré sa compacité, apporte son lot de surprises avec des rythmiques très Rock (3min50) qui démontrent la cohérence et le talent d’une section rythmique basse/batterie qui interagit à merveille pour retranscrire toute l’ambiguïté de cette « Mère Nocturne », une âme errante et effrayante, autrefois martyrisée, qui revient effectuer des tâches du quotidien.

Après les rythmiques endiablées et la démonstration technique, place au feeling pur et dur, on se doute que Houle maîtrise parfaitement son propos et va éviter l’écueil de nous noyer sous des déferlantes trop récurrentes. « Sur Les Braises Du Foyer » (en écoute ici) pose le ton avec ses deux premières minutes et sa rythmique syncopée quasi « Fear Factory-enne ». Et même si la suite blaste à vue, le tempo est assez posé pour savourer la finesse des arrangements, avec toujours ce duo de guitares, ici l’une qui pose les nappes et l’autre qui assure les riffs principaux. L’occasion d’évoquer avec ce morceau la qualité de la production qui ménage un espace pour chaque instrument sans que rien ne s’étouffe, les guitares sont limpides, parfaitement spatialisées, le chant même quand il est le plus saturé n’est jamais « pénible » et parfaitement mis en avant au grès de ses variations, très présentes sur ce morceau, entre passages parlés ou harangueurs. Mention spéciale au break presque folk autour de 4min et celui à 5 :20 qui met en avant des rires et pleurs simultanés de l’épouse délaissée qui fait le deuil de ses souvenirs, un moment touchant à en filer des frissons.
« Derrière l’Horizon » confirme à 100% l’impression fugace de mélodies « folk » du précédent morceau avec un démarrage en trombe sur un riff ultra entraînant digne d’une bourrée bretonne, asseyant l’hégémonie de la mélodie qui règne définitivement en maître sur cet opus. Mais même dans ce registre plus « guilleret », évoquant l’entrain et le courage des harponneurs, Houle ne sonne pas comme du Finntroll bas du front, loin de là, et maîtrise largement son propos pour proposer moult variations dans la deuxième partie du morceau, à partir de 2 :22, roulements de toms, montée progressive en puissance de la basse et du chant, mon dieu CE CHANT ! (ah zut je l’ai déjà dit), puis les guitares s’entremêlent, se croisent, se répondent, et explorent tout le champ des possibles dans un final grandiose.
« Et puis le Silence » ménage un moment de répit avant les presque 20 min pour 2 morceaux qui vont suivre. Quelques bruitages et une superbe guitare acoustique (m’évoquant les intermèdes de « The Somberlain ») pour reprendre des forces et pouvoir se concentrer comme il se doit sur la suite.

« Sel Sang et Gerçures » annonce la couleur : grosse basse saturée, batterie martiale et accords de grattes dissonants. On sent qu’on va en prendre pour son grade ! Mais toujours avec le sourire de la découverte. Effectivement, le morceau est parmi les plus hargneux et Black de l’album, délaissant le côté Heavy pour des guitares plus directes et efficaces et une basse très mise en avant. Une grosse force de cet album est assurément la capacité à surprendre, autant dans les structures que les ambiances ce qui en rend la première écoute parfaitement délectable. Houle combine à n’en pas douter des musiciens aux goûts musicaux très complémentaires mais au feeling indéniable pour arriver à un résultat aussi homogène et cohérent malgré la quantité d’éléments proposés. Ce morceau en est le parfait exemple avec ces cœurs de marins laborieux en chant clair qui prennent aux tripes et ces variations rythmiques régulières, portées par une batterie qui varie le propos avec maestria entre « grosse bagarre » et envolée lyrique sur fond de double grosse caisse, sublimant la douleur et les efforts de nos braves forçats de la mer.
Encore une excellente idée de mettre en conclusion la piste la plus longue de l’album, permettant ainsi de ne pas le « couper en deux » ni d’en casser le rythme !
« Née des Embruns » reprend presque le propos là où le pont central de « Au loin la tempête » de l’EP l’avait laissé : bruit des vagues, guitares acoustiques, basses qui pose des rondes. Quel ravissement de voir le groupe mettre en avant ces ambiances qui sont selon moi sa marque de fabrique, 3 min de pure musicalité, littéralement au bord de l’eau, avant que le chant ne devienne fou et nous embarque dans un riff mémorable, en miroir de celui de l’ouverture de l’album par sa puissance échevelée ! Emphatique et grandiloquent, cette pièce, quasi mystique dans l’évocation d’une créature vengeresse sortie des eaux, a largement les épaules de sa difficile tâche de clore un album qui nous en a mis plein la vue jusqu’à présent. Chaque membre du groupe met en avant de la plus belle des manières sa virtuosité dans une déferlante de riffs gargantuesques jusqu’à la 7ème minute et ce break, basé sur un de mes effets préférés : garder une ligne de guitare entêtante et laisser à la basse la tâche de moduler les ambiances, comme autant de splendides variations autour d’un même thème. Le final, inattendu, se base énormément sur les capacités de variations du chant et de la production en proposant des sonorités Post Black Metal conférant une ambiance apocalyptique et irréversible à cette fin d’album.
Epique est définitivement le terme qui définit idéalement ce morceau tout comme cet album, d’une démesure et d’une ambition qui forcent le respect.
Rares sont les œuvres dont le propos musical arrive à être aussi varié et riche sans perdre l’auditeur en route. Basé sur un sens de la composition et des ambiances hors pair tout en affirmant son identité, Houle propose avec « Ciel Cendre et Misère Noire » ce que les auditeurs déjà conquis par leur EP attendaient d’eux avec fébrilité : un pur joyau de Heavy/Black Metal, grandiose et moderne.
Pour suivre Houle : https://www.facebook.com/HouleOfficiel
Pour écouter : Musique | Houle (bandcamp.com)


[…] Houle : Merci beaucoup à vous aussi et merci à François pour la chronique (que vous pouvez lire ici) […]
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