Heretic, sadistic, and sexual ecstasy… Nouvel album de Hysteria

Chronique et interview par François Kärlek

Si vous pensez que c’est dans les vieux plats qu’on fait le meilleur Death Metal, alors vous êtes au bon endroit !

Fondé en 1996 à Lyon, Hysteria fait partie des piliers de la scène extrême lyonnaise, le présent « Heretic, sadistic, and sexual ecstasy » prévu en ce début d’année faisant suite à une discographie de 2 EP et 3 LP (déjà !).  Une constance d’autant plus impressionnante que le groupe n’a subi en 28 ans qu’un seul changement de line-up avec l’arrivée d’Adrien à la basse (on y reviendra).

Le groupe le dit lui-même, Hysteria et avant tout une histoire d’amitié et cela se ressent sur leur musique car Heretic… est d’une cohérence et une homogénéité impressionnante et ce dès l’introduction « In Perdition… », qui donne le ton par ses riffs en progression sur une batterie impériale et ouvre parfaitement cet album dont les mamelles seront indéniablement la mélodie et la rythmique qui tape où ça fait mal.

A ce titre le visuel de Seth Siro Anton, rappelant des albums de Belphegor et Septicflesh (évidemment puisque Seth en est membre) s’avère en totale adéquation avec le style pratiqué : malsain, rentre-dedans certes mais travaillé et jamais « facile ».

Pour étayer le propos, il faut avoir conscience qu’Hysteria a nettement évolué depuis son dernier EP « From the Abyss.to the Flesh » et que les changements, suite à l’arrivée d’Adrien, ne se sont pas limités à l’ajout de son chant Black Metal mais bien à la pleine expression d’une musique dont l’inspiration est désormais aussi à chercher du côté du Black/Death de la grande époque.

Si le son d’Hysteria est résolument moderne (mention spéciale à la production, parfaitement spatialisée et « généreuse » dans le spectre sonore) , ils me semblent proposer sur ce « Heretic, sadistic, and sexual ecstasy »  un parfait équilibre entre la mélancolie de Sacramentum, le sens de la mélodie de Dark Tranquillity et la brutalité d’At the Gates (je parle des premiers albums, fondateurs de la scène suédoise, de ces 3 groupes) et s’affirme désormais à mes yeux comme le plus suédois des groupes de Death lyonnais avec Destinity, ce qui ne manque pas de me séduire.

Il n’en demeure pas moins que le groupe a une identité musicale très forte, un son reconnaissable entre 1000, et que je cite ces groupes cultes avant tout pour situer une approche des compositions qui me semble nettement plus mélancolique, ambiante, voire atmosphérique que sur les précédents opus mais, soyons clairs, sans qu’aucune influence directe ne soit trop flagrante ou palpable.

Concrètement, un morceau tel que « She who spits the venom » me semble un parfait condensé ce que le groupe peut proposer de mieux. Les arpèges créent le malaise, la double grosse caisse entre progressivement et aboutit sur un midtempo imparable, porté par un jeu de batterie à la fois percutant et très aéré, tout en finesse. Les riffs ondulent, vicieux, insidieux, et vous malmènent encore plus lorsque se profile l’alternance de chants Black et Death, mariant ambiances mortuaires et désespérées. Concentré d’expressivité et d’émotion, le morceau devient hypnotique jusqu’à aboutir sur le meilleur solo de Jérôme sur l’album, grandiose, épique, appuyé par des accords rythmiques bouleversants, profondément désenchantés. Les solos qui parsèment l’album ne sont d’ailleurs pas en reste : hypnotique et sinueux sur « Thelema », magistral sur « Blasphematical scriptures » pour clore l’album.

Le feeling reste ici le point clé, tant les compositions de Sylvain sont peaufinées et gorgées de riffs accrocheurs et enivrants comme ceux des refrains de « My Carnal Desire » et « Vortex of confusion » où la puissance se dispute à la sensibilité des mélodies avec brio.

Feeling enfin du côté de cette rythmique impeccable, au cordeau, portée par le groove de la basse qui donne énormément de corps à l’ensemble, en particulier sur les passages en midtempo et constitue un excellent duo avec les parties de batteries de Xavier (Himinbjorg, Ex-Aorlhac) alliant une puissance et un toucher qui font mouche, dans un jeu à la fois aérien et percutant, comme si chaque coup de cymbale, chaque descente de toms, chaque passage de double pédale était parfaitement à sa place, comme une évidence.

On sent bien dans l’efficacité et l’évidence immédiate des morceaux, malgré leur complexité et leur relative longueur, qu’Hysteria est un groupe de potes, sans bataille d’égo, dans lequel chacun se dévoue pleinement au groupe pour que le rendu global soit le meilleur possible.

Avec une grande modestie qui les honore et un indéniable amour du travail bien fait, les lyonnais continuent leur chemin, affinent leur art avec de nouveaux éléments et nous livrent clairement ici leur meilleur opus, à savourer en live dès que possible.

Salut et merci de vous prêter au jeu des questions.

J’ai le sentiment que votre musique a gagné en ampleur et en émotion en intégrant des éléments Black Metal dans votre recette originale très Death qui fonctionnait déjà très bien. Doit-on désormais considérer que cette évolution fait partie intégrante de l’ADN d’Hysteria ?

Hello mon ami François, tout d’abord merci pour cette interview ! C’est une évolution logique de par les influences musicales de Sylvain et Adrien. Les riffs plus blacks et surtout le clivage voix grave / voix aiguë presque partagées à 50/50 accentue le côté black fucking métal ! On assume pleinement cette direction artistique même si elle n’est pas complètement réfléchie. La touche Hysteria, notre identité qui a construit notre style est toujours là. On a la chance de pouvoir faire ce que l’on veut musicalement et artistiquement parlant. C’est du Hysteria cuvée 2024 !

Le visuel et les titres des morceaux Thelema (qui est une doctrine ésotérique) et Blasphematical scriptures évoquent plus ou moins directement la religion. Est-ce une base pour extrapoler vos paroles sur d’autres thèmes ou doit-on percevoir une certaine tonalité mystique chez Hysteria ?

Ouaw j’ai compris 1 mot sur 2 ! Nous ne sommes nullement influencés par quelque courant idéologique que ce soit. Nous sommes nostalgiques des temps passés. Ce monde contemporain ne nous plaît pas. Nous crachons notre venin de dégout à la gueule de ce monde en perdition via notre musique et nos paroles. Après sans y attacher une quelconque importance non plus dans nos vies quotidiennes. Ce chaos me fascine, les déviances humaines aussi, mes expériences traumatisantes me permettent aussi d’exorciser mes démons ! C’est un mix de tout ça !

On sent une cohérence très forte des musiciens sur cet album, pouvez-vous décrire le processus de composition et en particulier les rôles joués par Adrien (basse) et Jerôme (guitare lead) vis-à-vis de celles-ci ?

Une cohérence de par notre expérience, la maturité du groupe, de notre musique et surtout notre amitié sans faille. Sylvain compose tout et programme une batterie dessus. C’est lui le chef d’orchestre 😉 Après on apprend les zics, on arrange ensemble, chacun rajoute sa patte. J’écris moi-même les lyrics et Sylv pose les paroles. Djé enregistre toutes les grattes en studio et pour le coup il a composé les solos sur le fil en 2 semaines juste avant le mix. On a pour cet album réalisé une pré-prod qui nous a permis de prendre du recul et valider des orientations pour la production finale.

Parmi les morceaux, « She who spits the venom » est sans doute mon préféré (en écoute ici). De votre côté y’a-t-il un morceau qui vous tient particulièrement à cœur sur cet album ?

Il y en a 9 ! Ils ont tous leur identité, c’est pour cela que l’on a décidé de le jouer dans son intégralité lors de notre release party. Nous sommes fiers de cet « HERETIC… », c’est notre album le plus abouti dans tous les sens du terme.

Vous êtes une bande d’amis de longue voire très longue date. Cette cohésion, qui se ressent en live et sur album, semble capitale pour vous. Avez-vous déjà dû faire des sacrifices pour Hysteria en tant que groupe afin de garder cet état esprit qui vous est cher ?

On n’a jamais voulu vivre de notre musique, c’est une passion que l’on partage entre potes depuis notre adolescence. Nous avons tous des tafs qui nous plaisent aussi. Notre musique est notre exutoire, notre local/garage est notre repère de voyou. Si l’on avait voulu nous professionnaliser, c’est sûr que l’on aurait dû prendre des décisions qui auraient mis en péril notre amitié et la vraie identité du groupe.

L’album semble avoir une très bonne réception critique, suivez-vous les retours avec intérêt et assiduité ou laissez-vous l’album tracer sa route seul ?

Bien sûr que l’on suit et que l’on porte de l’importance aux médias, interactions réseaux sociaux… sans en faire une fixation non plus. On s’est donné des objectifs, on va s’y tenir et on verra par la suite. En tout cas à notre niveau, on fait le max de nos compétences et envies et ça a payé ! On attend la suite des évènements avec impatience. Mais il falloir qu’on se batte car nous ne sommes pas les seuls à avoir la dalle et la concurrence est rude.

Vous aviez une date à Lyon le 9 février pour la sortie de l’album et une autre, à nouveau en région lyonnaise, au Festival Lions Metal le 1er juin. Allez-vous sillonnez la France cette année pour promouvoir l’album plus largement ?

Notre booker dont je tairais le nom nous a oublié donc cela fait 1 mois qu’on galère à trouver 1 personne qui nous aiderait pour booker des dates. Tout le monde est full, il y a énormément de dates de partout. C’est chaud pour se faire une place ! On ne désespère pas, on va se débrouiller !

Existe-t-il une ville ou un Festival auquel vous rêveriez de jouer ?

On veut jouer avec Béhémoth, Septicflesh et Rotting Christ au Sylak cet été ! C’est en négo, on croise les doigts ! (EDIT: bonne nouvelle, c’est confirmé pour cette date)

Pour finir sur une note amusante, quel est votre souvenir de concert le plus insolite ?  

Pas le concert en lui-même mais l’hébergement, l’accueil, l’ambiance, la folie, le lieu : le Muscadeath à Nantes et l’hébergement au « no man’s Land industry ». Lieu incroyable hors du monde, hors du temps !

Pour commander l’album : https://hysteriadeathmetal.bandcamp.com/album/heretic-sadistic-and-sexual-ecstasy

Pour suivre le groupe sur Facebook : https://www.facebook.com/hysteria.deathmetal.lugdunum

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